C’est sur les lacs du Jura que j’ai enfin rencontré Sympetrum vulgatum, le dernier Sympetrum français qui manquait à ma collection. La rencontre a été difficile, car la fin d’été est anormalement fraîche et nuageuse en altitude ; les Sympetrum recherchent la chaleur et se posent le plus souvent au sol, sur les cailloux clairs ou les platelages provoquant des contrastes violents pour le photographe.
Description – Identification
Le Sympetrum vulgaire, tel est son nom français, est à peine plus petit que S. striolatum, il est de taille équivalente à S. sanguineum et mesure 35 à 40 mm.
Les mâles matures ont la face rougeâtre, de fortes larmes noires descendant le long des yeux, le thorax brun terne sans zones nettement contrastées, toutes les implantations alaires rouges, les pattes noires avec une bande postérieure jaunâtre ou rougeâtre, un abdomen rouge faiblement dilaté distalement, avec des marques noirs sur S8 et S9.
On peut facilement le confondre avec S. striolatum, notamment sur une vue dorsale, mais ce dernier montre des bandes contrastées sur la face latérale du thorax, n’a pas de larme noire marquée le long des yeux et ses insertions alaires postérieures sont jaunâtres.
Les femelles matures portent les mêmes larmes, le thorax (bien marqués de sutures sombres) et l’abdomen sont jaunes, rougeâtres en vieillissant, la lame vulvaire est saillante.
Il est parfois difficile de les séparer des femelles S. striolatum, cependant cette dernière n’a pas de larmes noires et sa lame vulvaire est beaucoup moins saillante.
Habitat – Distribution géographique
Il accepte tous types d’eaux stagnantes, fossés, mares, étangs, lacs pour peu qu’ils soient bien végétalisés.
Même s’il est très commun en Europe du Nord et de l’Est, jusqu’au Japon, il est très rarement signalé en plaine en France, et très peu dans l’ouest ; si l’on se réfère aux Annales de la société Linnéenne de Maine-et-Loire, il n’y aurait plus été vu depuis 1853 !
Au sud, il pénètre à peine l’Italie et l’Espagne, il est présent en Angleterre et au sud de la Scandinavie, atteint l’Asie centrale et l’Iran.
Sans vouloir être désagréable 😉, beaucoup de données françaises anciennes et modernes, et les données actuelles, sans photos, en dehors des massifs montagneux, sont à prendre avec des pincettes. Si vulgatum peut être traduit par vulgaire et suggère qu’il est commun ; c’est loin d’être le cas et beaucoup de débutants, le croyant très répandu, faute d’investigations plus poussées, identifiaient de façon erronée des S. striolatum, sanguineum ou meridionale en Sympetrum vulgatum. Mais il ne faut jamais négliger les individus errants, d’autant qu’il montre certaines facultés à s’éloigner en nombre de ses lieux d’émergence.
Atlas dynamique des Odonates de France
IUCN Red list où il est classé en least concern, ce qui n’est pas le cas en France…
Comportement – Biologie
En dehors de la ponte, il est souvent à quelque distance de l’eau et aime se poser au sol ou sur les rochers, ne dédaignant pas les rameaux secs ou la végétation basse. L’accouplement se fait au sol ou à faible hauteur et dure 5 à 10 minutes. La ponte s’ensuit en tandem, la femelle touchant l’eau de son abdomen dans des eaux peu profondes.
La phase larvaire comporte 9 à 11 ou 15 stades et dure un an, sans doute plus dans les lacs de montagne puisque l’espèce atteint 2500 m d’altitude.
Période de vol
C’est un Sympetrum d’été ou de fin d’été puisque le pic des données s’étend de juillet à septembre, avec des apparitions précoces en mai, sujettes à caution, en raison des erreurs d’identification aussi communes qu’il est vulgaire.
Étymologie
Sympetrum, du grec Sym-piézein, « compressé » et etron, « abdomen ». Newmann (1833) qui a créé le genre croyait, de façon erronée, que c’était une caractéristique du genre, ce qui est étonnant, car ce n’était déjà pas vrai pour toutes les espèces connues à l’époque.
Vulgatum, signifie commun en latin, ce qui est exact en Europe centrale ou l’espèce est localement dominante.
Il faut souligner la signification de son nom vernaculaire, -vulgaire, qui ne signifie pas qu’il a un comportement désagréable 😉, ce terme est à prendre dans son sens un peu oublié de « commun », ce qui est une regrettable erreur pour les amateurs français…
Les Anglo-Saxons l’ont bien plus justement appelé Moustached darter.