Si au cours de 2 jours et demi de prospection dans l’Ain j’ai eu la chance d’observer 6 imagos, une émergence complète et de nombreuses exuvies, on ne peut pas dire que j’ai été gâté pour les femelles ; tous les sujets que j’ai vus sont imparfaits et les photos que je vais montrer s’apparentent un peu à une galerie des horreurs… à commencer par celle-ci, à laquelle il manque une aile.
Ou plutôt son aile est réduite à un moignon. On ne saura jamais ce qu’il s’est passé ; l’aile s’est-elle mal développée, est-elle restée « coincée » dans l’exuvie comme cela arrive (ici Pyrrhosoma nymphula), a-t-elle été victime d’un prédateur ?
Toute la matinée de ce 8 mai 2021 a été occupée à observer le déroulement d’une émergence, et ce n’est que vers midi que nous avons réellement prospecté le reste de l’étang. Et là est l’explication du fait que je n’ai trouvé que des sujets en mauvais état.
En effet, sans pouvoir préciser d’heure, car elle dépend de nombreux facteurs, les émergences d’Epitheca bimaculata se produisent le matin, et lorsque l’on arrive à midi, heure de cette photo, les sujets « sains » ont déjà décollé et il ne reste à l’observateur que les sujets handicapés, incapables de prendre leur envol. Cette remarque est transposable à de très nombreux odonates, en région tempérée.
On note les ailes fortement ambrées, ce qui est fréquent pour les jeunes Corduliidae et en particulier les femelles. Les cercoïdes sont longs et parallèles et non fortement divergents comme pour les mâles ; c’est d’ailleurs le seul élément objectif de dimorphisme sexuel facilement observable sur ces photos mise à part la légère différence d’aspect de l’abdomen, plus large et plus massif pour les femelles.
L’absence de la classique coloration verte des imagos de la famille des Corduliidae, la présence à la base de l’aile postérieure d’une boucle anale en forme de botte, la tache noire à la base de l’aile postérieure, ont contribué au fait qu’Epitheca bimaculata aie d’abord été attaché à la famille des Libellulidae sous le nom de Libellula bimaculata.
Comme pour tous les Corduliidae, la membranule blanche est bien visible à la base des 4 ailes ; pourquoi particulièrement dans cette famille et à quoi sert-elle si elle sert à quelque chose ?
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Si le sujet précédent avait un avenir et pourra certainement s’envoler (j’ai vu des sujets à 3 ailes se comporter de façon normale, notamment ce Trithemis annulata en Namibie !) cette pauvre femelle est condamnée avant d’avoir entamé sa carrière aérienne.
Cette fois-ci les ailes sont à peine développées, la postérieure droite est encore complètement ratatinée, comme elles le sont dans les fourreaux alaires de la larve. Il s’agit d’ailleurs certainement d’une anomalie survenue lors de l’émergence… On sait l’importance de la météo sur le succès des émergences, le rôle négatif de la pluie et du vent. S’il n’a pas plu ce 8 mai, le vent était assez fort avec environ 20 °C vers 16 heures, au moment où j’ai fait ces photos.
Il faut noter la longueur exceptionnelle des pattes, en particulier les pattes postérieures ; on voit ci-dessus les griffes des tarses de la patte postérieure gauche dépasser sous l’herbe qui lui sert de support, presque complètement en bas de la photo.
Les pattes du côté droit ne sont pas en reste 😉 et d’ailleurs tous les Corduliidae ont de grandes pattes et les exuvies sont spectaculaires sur ce point.
Sur la dernière photo de cette pauvre bête, ci-dessous, on aperçoit la lame vulvaire bifide sous les derniers segments ; très longue elle atteint l’extrémité de l’abdomen :
photos très spectaculaires et bien tristes… travail d’observation et site absolument exemplaire, bravo pour tout ce contenu que vous partagez avec le grand publique. Photos, texte et mise en page vraiment superbes.
Merci, c’est gentil.
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