
Euphaea impar est un magnifique Euphaeidae difficile à mettre en valeur en photo ; son thorax est largement bleu clair (mais plus foncé qu’ici), et l’extrémité de ses ailes postérieures est très sombre avec des reflets irisés, noir chatoyant nous dit Selys (1) (plus clairs qu’ici). Il faut donc balancer entre la zone claire du thorax et sombre des ailes, ce que les appareils photos font bien moins correctement que nos yeux.
Il est aussi réputé difficile à approcher (2) se mettant à l’abri de plus en plus haut dans la végétation.
Les photos ci-dessous illustrent bien le problème ; si l’on veut voir apparaître l’iridescence des ailes, le thorax paraît pâle. Si on veut retrouver la véritable nuance de bleu du thorax, l’apex des ailes est sombre…


Il ne peut être confondu à Bornéo qu’avec E. ameeka, mais si ce dernier présente le même thorax bleu, ses ailes sont presque hyalines.
Dans Ngiam et Ng (4), on lit que sa taille totale est de 34 à 38 mm, ce qui est bien en accord avec l’abdomen de 30 mm que lui donne Selys (1).

Lorsque j’ai trié les photos pour choisir celles qui illustreraient cette page, j’ai hésité, mais le support m’avait semblé tellement beau sur le terrain, que je n’ai pas résisté. Malheureusement, la photo ne fait honneur ni à la libellule, ni à ces somptueuses crosses de fougère.
Il se plait sur les petites rivières en forêt, dans des zones cependant assez ouvertes, laissant passer quelques rayons de soleil, un peu comme nos Calopteryx européen. Leurs larves diffèrent de celles de tous les autres zygoptères par le fait, que si elles disposent classiquement de trois lamelles branchiales, elles possèdent également sept paires de branchies réparties le long de l’abdomen.
Les mâles sont territoriaux et se tiennent plus volontiers au soleil, et l’iridescence de leurs ailes serait plus un moyen d’avertir d’éventuels concurrents de leur présence que de séduire les femelles.
Ces femelles sont d’ailleurs très discrètes, sans doute parce qu’elles vivent en forêt et ne s’approchent de l’eau que pour la ponte. Les scènes d’accouplement sont donc rarement observées.
Son aire de distribution s’étend du sud de la Thaïlande à travers toute la Péninsule Malaisienne (et donc Singapour) jusqu’à Bornéo et Sumatra.
IUCN Red List.
Je l’avais déjà rencontré en Malaisie Péninsulaire.

Ci-dessous un jeune mâle rencontré sous un pont d’une rivière, dans une aire un peu plus ouverte. L’identification n’est que vraisemblable, car je ne sais pas comment on fait, à cet âge, pour les différencier de E. ameeka. Comme nous n’avons jamais rencontré ce dernier, un jeune mâle Euphaea impar est le plus probable.

Étymologie (4)
Euphaea se réfère directement au nom de la famille à laquelle ce genre appartient, les Euphaeidae. Pour cette dernière, que les anglo-saxons appellent Satinwings, l’étymologie est moins certaine. Selys (1840) aurait combiné le grec eu signifiant bien, vrai et le terme phaûos qui signifie brillant, ce qui s’applique en effet aux ailes de nombreux membres de cette famille.
Impar ; en latin impar signifie, étrange, inégal. Selys aurait utilisé ce terme, car toutes les autres espèces alors connues avaient un corps sombre et des ailes colorées et iridescentes (un peu l’inverse de notre espèce).
Les anglo-saxons l’appellent Blue-sided satinwings.

1- Selys-Longchamps, Michel-Edmond. (1859). Additions au synopsis des Caloptérygines. Bulletins de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 7, 437–451. P. 441.
2- A. F. S. L. Lok and A. G. Orr – THE BIOLOGY OF EUPHAEA IMPAR SELYS (ODONATA: EUPHAEIDAE) IN SINGAPORE – NATURE IN SINGAPORE 2009 2: 135–140 Date of Publication: 23 March 2009
3- Van Tol & Norma-Rashid – Descriptions and records of Malesian Odonata, 3 – Tijdschrift voor Entomologie 138: 131-141, figs. 1-40 – Published 15 June 1995.
4- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022