
Brachygonia oculata est un petit Libellulidae très spectaculaire, que nous avons rencontré à plusieurs reprises, toujours en limite de forêt marécageuse ou de tourbière en forêt, pour les individus mâles matures.
Il est impossible de le confondre avec une autre espèce en raison de la tache blanc lumineux de la face dorsale de son abdomen.


Il montre de gros yeux et ne mesure que 21 à 24 mm (1).
Ci-dessous, l’individu de droite est sans doute jeune, avec le thorax encore plus blanc que jaune et des yeux largement verts capés de rouge.


Son habitat se limite à la forêt ou à ses abords immédiats, dans des tourbières, des zones marécageuses, voire le long de ruisseaux paresseux aux fonds couverts de débris et de feuilles.


On note que la pruinosité blanche s’étend précisément sur la face dorsale de segments 3, 4 et 5. Pourtant, Kirby qui a cré le genre Brachygonia (2) et prend pour type le Tetrathemis oculata de Brauer, écrit : »In all the specimens of the male the abdominal segments 2 (behind the carina), 3, and 4 to the middle are dusted with pale blue. Sur tous les spécimens de mâles, les segments abdominaux 2 (derrière la carène), 3 et 4 jusqu’au milieu, sont poudrés de bleu pâle ». Sans doute un lapsus calami, car Kirby, on peut lui faire confiance, connaissait très bien l’anatomie des odonates !


Les femelles, ci-dessus, n’ont pas de pruinosité sur l’abdomen et sont beaucoup moins spectaculaires. On retrouve sensiblement la même coloration sur le thorax, mais les yeux sont rouges assez vif au-dessus, verts au-dessous, comme le jeune mâle montré plus haut.


La photo ci-dessous est typique de ce qui arrive avec ces odonates qui vivent en forêt, à l’ombre ; toutes les photos sont faites au flash et pour ajuster l’éclairement, le flash émet un micro éclair qui permet au capteur de mesurer quelle devra être la puissance de l’éclair principal pour exposer correctement la scène. De nombreux odonates de forêt sont sensibles à ce premier éclair et décollent très brièvement, l’éclair principal qui suit le premier de quelques millisecondes les trouve en vol. Si on répète la prise de vue, la libellule peut décoller et se reposer 4, 5, 6, 10 fois… et toutes les photos sont généralement floues. Le plus souvent, les odonates s’habituent et finissent par rester tranquilles.
Nous ne sommes souvent qu’à quelques dizaines de centimètres et je me suis toujours demandé comment ils parvenaient à voler correctement après de tels éblouissements répétés !

On rencontre l’espèce depuis le sud de la Thaïlande, à travers la péninsule malaisienne, jusqu’à Bornéo (Sarawak, Brunei, Sabah et Kalimantan) et Sumatra.
IUCN Red List.
Étymologie
Brachygonia (Kirby, 1889) du grec brachy, pour court, et du grec ancien gonia pour génération (dont on a fait gonade) certainement en rapport avec l’appareil génital secondaire peu proéminent sous le deuxième segment. Kirby écrit : « appendages of the second segment distinct, not very prominent.« .
Oculata ; je n’ai pas réussi à trouver la description originale de Brauer, où il décrit l’espèce sous le nom de Tetrathemis oculata. Oculatus, en latin, signifie pourvu ou doté d’un œil ou d’yeux, sans doute pour souligner les yeux surdimensionnés de cette espèce.
Les anglo-saxons l’appellent tout simplement Pixie (lutin). Et, je le découvre avec cette espèce, les malaisiens ont défini des noms malais pour les espèces qui peuplent leur territoire (3) ; celui de notre espèce est Penyiring Dewi Oren. Je dois aussi mentionner qu’il n’y a que 9 entrées sur un célèbre moteur de recherche pour ce nom.
1- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and D.f Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022.
2- W. F. Kirby, 1889 – A Revision of the Subfamily Libellulinae, with Descriptions of New Genera and Species. Transactions of The Zoological Society of London, in 1889, in volume 12, pages 249-348. P. 310.
3- Checklist Odonata: Scientific, English, and Malay Names.