
Heliocypha biforata est un magnifique petit Chlorocyphidae qui présente la singularité, comme son cousin H. perforata de porter sur la face dorsale du thorax un triangle rose vif (Magenta jewel en anglais), mais accompagné de deux taches en demi lune latéralement également roses, alors qu’elles sont bleues pour H. perforata. Le reste des motifs est bleu sur le thorax et s’accompagne de discrètes ponctuations sur les 6 ou 7 premiers segments de l’abdomen ; cette dernière caractéristique permet de le séparer également de son cousin ou ces taches sont beaucoup plus importantes et s’étendent jusqu’au neuvième segment (S9).



Ce sont des odonates très actifs qui se perchent au soleil au-dessus des eaux claires et rapides des ruisseaux ou dans les parties ralenties des plus grandes rivières pour peu qu’il y ait de la végétation et des supports. Ils défendent leur territoire en se livrant à des joutes aériennes spectaculaires, quelques dizaines de centimètres au-dessus de l’eau, luttant contre leurs congénères : la photo ci-dessous est bien mauvaise, mais on reconnaît facilement les protagonistes grâce à leurs abdomens et ici, il s’oppose à sous cousin H. perforata (à droite).
Il atteint une longueur totale de 25 à 29 mm.
Sur les deux photos suivantes, on constate la présence d’une fourmi, très vraisemblablement du genre Dolichoderus thoracicus, accroché à la patte postérieure droite de ce sujet.


J’ai tenté d’agrandir l’image pour comprendre la situation. Pour moi, il n’y a pas de doute, cette fourmi tente de sectionner la patte.

On voit très bien la patte prise entre les mandibules.

Cette image m’a bien sûr rappelé ce que j’ai déjà publié à propos d’un autre Chlorocyphidae, Aristocypha fenestrella, dont la patte postérieure était aussi victime d’une fourmi et auquel il manquait un fragment de patte. Sur place, je n’avais pas remarqué un nombre anormal ou même important de fourmis.
Mes recherches ne m’ont pas permis de trouver d’autres cas ; j’ai parcouru sans succès environ 500 photos de H. biforata. Je n’ai rien trouvé dans la littérature odonatologique à ce sujet.
Sur la photo ci-dessous, on se rend mieux compte des fenêtres que présentent les ailes postérieures, noires sur leur tiers distal et qui renvoient un reflet rose ou vert irisé. Les ailes antérieures sont hyalines sauf à leur extrémité.

Je n’ai pas eu la chance de rencontrer de femelles, qui sont surtout observées en ponte, plus rarement seules, ce que j’avais pourtant photographié en Malaisie. Les accouplements sont très rarement rapportés. Souvent chez les odonates, les mâles immatures, comme ci-dessous, sont le reflet fidèle des femelles ; ce n’est pas le cas dans cette famille (Chlorocyphidae) ou les femelles ont un abdomen très massif qui écarte tout risque de confusion.

Sa distribution s’étend de l’Inde à l’extrême sud de la Chine et Hainan, atteignant au sud la péninsule malaisienne, mais il est absent de Singapour. IUCN Red List.
Étymologie
Heliocypha ; Fraser a créé ce genre en 1949, mais cette espèce, appelée auparavant Rhinocypha biforata a rejoint le genre Heliocypha il y a quelques années seulement. Je ne suis pas parvenu à trouver le document de Fraser, mais je doute qu’il ait fourni une explication sur l’origine du nom de genre qu’il créait.
On peut simplement supposer que Helio, du grec Helios, soleil, est simplement une référence à l’appétence de ces insectes pour le soleil. Cypha vient de cyphos pour bossu pour évoquer la curieuse excroissance qu’ils portent sur la face et est une constante pour les genres appartenant au Chlorocyphidae.
Biforata, du latin bi pour deux et forata pour percé. Dans sa description (sous le nom de Rhinocypha biforata) Selys ne mentionne pas explicitement deux trous, orifices ou percements. Cependant, il écrit « La partie brune marquée aux inférieures de deux bandes transverses, courbées, irisées ; la première entre le nodus et le ptérostigma, composée de trois taches entamant l’espace brun en dedans seulement ; la seconde plus large, de quatre ou cinq taches oblongues rapprochées, finissant à la première moitié du ptérostigma.« .

1- Sélys-Longchamps, Michel-Edmond. (1859). Additions au synopsis des Caloptérygines. Bulletins de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 7, 437–451.