Il n’y a qu’un seul Hemicordulia en Thaïlande, Hemicordulia tenera, mais deux sous-espèces ; Hemicordulia tenera tenera et Hemicordulia tenera donnellyi. Celui que nous avons observé deux jours de suite appartiendrait à la seconde.
Les sous-espèces se différencient par la longueur des cerques ; dans Kosterin, Karube, Futahashi, 2015 (1), on lit qu’il n’y a pas de différence génétique claire, mais que la différence d’importance des cerques est compatible avec ce que Dijkstra considère comme suffisant, pour définir une espèce, pour les Hemicordulia africains…
En résumé, des différences suffisamment importantes pour créer de nouvelles espèces, ce qu’on ne fait pas, car il n’y a pas de différence génétique et on se contente de créer des sous-espèces : je me permets de ne rien y comprendre et de douter encore une fois de la validité de la notion de sous-espèce. Je ne suis ni généticien, ni taxinomiste, et je pensais naïvement que s’il n’y avait pas de différence génétique, on avait affaire à la même espèce.
Je préfère donc en rester à H. tenera, d’autant plus facile à identifier en Thaïlande qu’il n’y a pas d’autre Corduliidae.
Mais, la confusion est certainement possible avec Zygonyx iris, (Libellulidae) qui ne montre pas ces taches jaunes latérales sur l’abdomen et, au contraire, une bande jaune sur sa face dorsale. La forme de l’abdomen est également très différente, très dilatée pour notre Corduliidae, ce qui est mis en évidence sur une photo à peine montrable.
Les auteurs du document déjà cité décrivent une troisième sous-espèce, du Cambodge, Hemicordulia tenera vikhrevi ; mais ils affirment qu’il n’y a pas [non plus ! ] de différence de taille entre les 3 sous-espèces ; Hemicordulia tenera mesure environ 45-46 mm.
Nous avons observé ces sujets sur les bords d’un étang (complètement à gauche), à quelques dizaines de centimètres au-dessus de l’eau ou dans les herbes, là où un Anax nigrofasciatus cherchait une femelle. Ces mâles Hemicordulia tenera, qui ne se sont jamais posés pendant les deux sessions où nous les avons observés, étaient sûrement à la recherche de femelles en ponte dans les herbes. Et sur ces 2 jours, leur quête a été fructueuse :
L’incidence de la lumière, pourtant peu différente entre les deux photos ci-dessus, change entièrement la couleur de l’œil de la femelle. Remarquer également la pilosité du thorax et de l’arrière de la tête, une caractéristique des Corduliidae.
Noter aussi, surtout sur la photo de gauche, la façon amusante dont les pattes moyennes et postérieures de la femelle sont verrouillées en se croisant sur l’abdomen du mâle, une prise vraiment sérieuse !
Chaque sous-espèce aurait sa propre aire de distribution, Hemicordulia tenera donnellyi ne se rencontrerait que dans le nord de la Thaïlande. Si on se réfère à l’IUCN on rencontre Hemicordulia tenera en Thaïlande, peut-être au Myanmar, à Singapour et sur toute la Malaisie et partout à Bornéo.
Tom Kompier l’a capturé au Vietnam, Oleg Kosterin au Cambodge (1), il est donc vraisemblablement présent aussi au Laos.
Étymologie
Hemicordulia (2), du grec –hemi qui signifie –moitié et de Cordulia qui vient du mot grec –kordyle signifiant massue ou gourdin par allusion à la forme de l’abdomen du mâle. Mais, il faut prendre pas prendre -hemi dans son sens littéral, il est là pour indiquer la parenté étroite avec le genre Cordulia dont il se distingue par des détails de nervation.
Tenera, du latin tener, pour délicat, tendre. Lieftinck (3) écrit : « Small, slender species, with weak integument » soit « Espèce petite, élancée, à tégument faible ».
Pour Donnellyi, on lit toujours dans le document déjà cité (1) : « La sous-espèce est nommée en l’honneur du professeur émérite Thomas W. Donnelly, géologue américain et odonatologiste exceptionnel, qui a été le premier à collecter et à reconnaître la nouvelle sous-espèce« .
1- Kosterin, Karube, Futahashi, 2015 – Two new subspecies of Hemicordulia tenera Lieftinck, 1930 (Corduliidae) from Cambodia and Thailand, Journal of the International Dragonfly Fund, May 2015.
2- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird publishing.
3- Lieftinck, 1930 (b) – Contributions to the dragonfly-fauna of the Dutch East Indies. II. Treuhia 12: 135-166, p. 158.