Orthemis anthracina est rarement rencontré ; avant notre prospection, il n’y avait que trois observations sur Inaturalist.
Il a été décrit par Jürg Demarmels (1) depuis l’extrême sud du Venezuela et il ressemble beaucoup à O. cultriformis, généralement beaucoup plus commun et également présent sur notre zone. Il appartient au groupe levis (Orthemis levis), qui regroupe ces Orthemis à l’abdomen fin.
Nous n’avons aperçu O. cultriformis que sur la Terra Firme, alors que O. anthracina est un cadeau de dernière minute, lors de la dernière matinée de prospection, à faible distance du lodge de Tahuayo, sur un ruisseau forestier. Et donc sur des terres inondées par les crues saisonnières de l’Amazone.
Son abdomen est plus fin (moins large), mais plus dilaté dorso-ventralement sur les premiers segments que ceux de O. cultriformis et O. flavopicta desquels il est très proche. Il s’agit, ici, d’un sujet bien mature, dont les bandes claires du thorax sont obscurcies et qu’on peut imaginer en regardant celle de la femelle plus bas.
L’identification absolue se fait sur la forme de la lame supraanale, épiprocte, qui est courte et presque bifide. Il ne devient pas non plus pruineux sur le thorax comme O. cultriformis (ici au Brésil).
Il mesure 41 mm hors appendices anaux.
Si je n’avais eu que ces seules photos (sans photo des appendices anaux), j’aurais eu du mal à être confiant dans l’identification ; heureusement, nous l’avons observé sur ce petit ruisseau surveillant une femelle en ponte ; et pour celle-ci, l’identification ne fait pas de doute, en raison du motif abdominal.
Noter l’importante expansion ventrale qu’elle porte sur son 8 ° segment abdominal ; il joue un rôle d’écope dans la ponte, permettant, lorsque la femelle frappe l’eau avec son abdomen, de projeter de l’eau afin d’éviter la dessication lorsque les œufs atteignent la berge. C’est une structure commune parmi les Orthemis et les Orthetrum (et quelques autres genres) et j’avais pu mieux observer une femelle O. discolor se livrant à cet exercice au Panama, ou Orthetrum brunneum en France.
Orthemis anthracina est peu observé, mais sa distribution est large puisqu’on le contacte au Pérou, en Colombie, au Venezuela, a Trinidad et Tobago, au Suriname et jusqu’en Guyane Française.
UICN Red List
Photographier une femelle en ponte, en forêt, est un tour de force, pas toujours réussi… mais la photo ci-dessous montre en tout cas son abdomen caractéristique.
Orthemis, du grec ortho, –droit et de Themis, la déesse de L’Ordre et de la Justice, fréquemment utilisé pour nommer des Libellulidae, par imitation de ce que faisaient les anciens en utilisant des noms issus de la mythologie. On lit dans Hagen (1861) qui a créé le genre : « Le premier secteur du triangle rectiligne [droit] « , une caractéristique du genre.
Anthracina, du latin anthracinus, qui signifie noir. Jürg Demarmels m’a précisé pourquoi il avait nommé ainsi cette espèce : « Mes exemplaires sont presque totalement noirs ».
1- De Marmels, J. (1989). Odonata or dragonflies from Cerro de la Neblina. Academia de las Ciencias Físicas, Matemáticas
y Naturales, Caracas, Venezuela, 25, 1–78.
2- Natalia von Ellenrieder (2009) Five new species of Orthemis from South America (Odonata: Libellulidae), International Journal of Odonatology,12:2,
347-381, DOI: 10.1080/13887890.2009.9748351