Heteragrion sp. nov., car il s’agit d’une nouvelle espèce ; elle est connue, elle n’a pas encore de nom parce qu’elle n’a pas encore été officiellement décrite.
Cela ne l’empêche pas d’être magnifique et élégante, comme tous les Heteragrion d’ailleurs ; noter ses derniers segments en feu et ses ailes ouvertes, alors que cet Heteragrionidae (ex-Megapodagrionidae) fait bien partie des zygoptères.
Nous l’avons rencontré sur la Terra Firme (la terre ferme), une zone qui n’est jamais inondée par les crues saisonnières de l’Amazone et de ses affluents, ici le Rio Quebrada Blanco. Ces zones nous ont apportées un cortège d’espèces que nous n’avions jamais rencontrées ailleurs.
Heteragrion sp. nov., Pérou, près de Estación Biológica Quebrada Blanco, 22/08/2023
Nous sommes restés une très grande matinée sur site et nous l’avons rencontré de nombreuses fois. Mais toujours dans des conditions difficiles pour la photo, très à l’ombre et l’utilisation du flash est impérative. Leur habitat est la forêt pluviale (rainforest) et sans doute les zones marécageuses ou les ruisseaux lents.
Leur taille doit avoisiner les 45 mm.
Lorsque j’ai fait ces photos, je ne savais pas que l’espèce était connue et non décrite, et j’ai donc fait des photos des appendices anaux. Je ne me rappelais pas non plus du nombre d’espèces dans ce genre, et il aurait fallu, de toute façon, des photos bien plus précises pour arriver à le séparer de ses 62 cousins (1) « aux Amériques ».
J’en avais déjà rencontré une dizaine en Amérique Centrale et en Amérique du Sud.
Mais c’est la première fois que j’assiste à une ponte et que je peux ainsi observer une femelle. Le problème quand on photographie des couples en ponte est de parvenir à avoir le point sur les deux partenaires, à la fois. Cette fois, c’est impossible, car ils sont au fond d’une toute petite dépression et je ne peux pas me mettre à leur niveau. J’ai tenté une photo, mais c’est un compromis, ni la femelle ni le mâle ne sont nets… Pour les connaisseurs, le diaphragme est à f/20.
Je tenais à avoir une photo de la femelle, donc j’ai photographié les sujets à tour de rôle. Elle est, comme souvent, beaucoup plus terne que le mâle. Mais elle a des yeux d’un vert profond que j’adore (caca d’oie est sans doute le bon terme, mais pas très poétique…).
Selys décrit le genre Heteragrion dans sa « Révision du Synopsis des Agrionines, première partie, p 54 » mais il ne donne pas d’indication sur l’origine du nom. Ce genre vient à la suite d’autre genre qu’il crée à l’occasion, Megapodagrion et Heteropodagrion.
Il est construit à partir du grec hetero qui signifie autre, et de agrion, du grec agrios– sauvage, vivant dans les champs. Il faut sans doute y voir tout simplement « un autre agrion » , en plus des deux précédents.
Les anglo-saxons, toujours pragmatiques et efficaces en taxinomie vernaculaire, les appellent Flamboyant Flatwings.
J’ajoute une remarque à propos de sp. et sp. nov., car on m’en a demandé le sens plusieurs fois.
Sp. est l’abréviation du latin species qui signifie espèce et on utilise cette abréviation pour signifier que l’on ignore le nom d’espèce.
Nov. est l’abréviation de nova, pour nouveau et sp. nov. signifie que l’on parle d’une nouvelle espèce, d’une espèce encore jamais décrite auparavant.
1- DIOGO SILVA VILELA, FREDERICO A. A. LENCIONI, CORNELIO A. BOTA-SIERRA, JESSICA L. WARE & PITÁGORAS C. BISPO. Taxonomic revision of the Neotropical genus Heteragrion Selys, 1862 (Zygoptera: Heteragrionidae): male morphology, new species and illustrated key (Zootaxa 5356)