Cette fois encore, je n’ai pas eu de chance avec Brachymesia herbida ; je n’ai rencontré qu’un seul mâle et à distance. Malgré cela, l’espèce est facile à identifier. Mâles et femelles sont très ressemblants, le thorax est brun ocré, l’abdomen jaune avec des marques noires dorsales qui s’élargissent distalement. Les ailes sont parfois fortement ambrées chez les sujets âgés, mais toujours marquées d’une suffusion jaune sur le bord costal de la partie basale. Les yeux sont brun-rouge au-dessus, marqués de bleu en dessous.
Il mesure environ 45 mm, ce qui pour donner une idée correspond à notre L. quadrimaculata.
C’est une espèce d’eau stagnante qui fréquente souvent les larges pièces d’eau au Costa Rica (ici, un petit lac), mais je l’ai vu en Colombie sur une partie très ralentie d’une rivière et au Brésil, une femelle en ponte sur un ruisseau stagnant.
Il aime à se percher au-dessus ou juste au bord de l’eau, à l’extrémité d’un rameau pour surveiller très activement son territoire.
Ce serait une espèce pionnière, abondante, voire dominante sur les bassins d’irrigation en Guadeloupe (INPN).
Brachymesia herbida mâle, Pérou, Tabano Lake (Tahuayo), 23/08/2023 (à gauche et ci-dessous)
On note qu’il se plaît à adopter la posture dite de l’obélisque, en pointant son abdomen au zénith, ceci dans un souci de thermorégulation, pour exposer le moins possible de son abdomen au soleil et mettre son thorax à l’ombre de ses ailes. Pour nous, la chaleur de cette journée n’était pas pire que celle des jours précédents, simplement étouffante
On rencontre le Tawny Pennant (son nom américain, « Fannion jaune », pour la coloration jaune de son corps, fréquemment posté en bout de rameau…) du sud des États-Unis jusqu’en Argentine.
IUCN Red List
L’espèce (déjà connue de Hagen sous le nom de Libellula herbida, mais non décrite) a été décrite par Gundlach, naturaliste cubain d’origine allemande, dans le document (1), premier travail très important et longtemps méconnu sur les odonates cubains. Ce n’était pas un « vrai » entomologiste et il est amusant de constater que le nombre de segments abdominaux des odonates qu’il décrit est variable de 9 à 12 (2) !
N’ayant pas encore eu connaissance de cette publication qui restera dans l’ombre jusqu’en 1909, Kirby a également décrit l’espèce, mais en août 1889 et sous le nom de Cannacria batesii. Le nom d’espèce herbida publié en mars de la même année est donc prioritaire. Enfin, Selys examinant l’espèce type nommée par Kirby Brachymesia australis (futur B. furcata…), a conclu que ce Cannacria maintenant herbida appartenait aussi genre Brachymesia (2) ! Ce n’est pas toujours facile à suivre…
Brachymesia, sans doute du grec brachy, pour –court et meso, pour milieu auquel est ajouté un suffixe signifiant –concernant, en rapport avec. Si cette hypothèse est la bonne, ce nom de genre se référerait à l’appendice anal inférieur ou épiprocte (4). En effet Kirby écrit : « lower appendage very stout and short, not half the length of the upper ones » (appendice inférieur massif et court, n’atteignant pas le milieu de la longueur des supérieurs) (3). Cependant, Paulson & Dunkle 2012, suggèrent que ce serait en rapport avec la base de l’abdomen, courte et dilatée, ce qui semble moins probable, car il serait étonnant que Kirby ait caractérisé cette partie du corps comme « milieu ».
Herbida, du latin herbidus – pour couvert d’herbes, puis vert. Le nom créé par Hagen, repris dans la description de Gundlach paraît faire référence au biotope, mais celui-ci n’est pas mentionné dans la description. Par contre, Gundlach fait plusieurs fois référence (en Espagnol) à la couleur « olivado » soit la couleur vert olive (3).
1- « Contribucion a la entomologia Cubana« , Dr. Juan Gundlach, Tomo II, Mars 1889
2- « Gundlach’s Work on the Odonata of Cuba: A Critical Study« , Philip P. Calvert, Transactions of the American Entomological Society (1890-), Vol. 45, No. 4 (Dec., 1919), pp. 335-396 (65 pages)
3- « The Scientific Names of North American Dragonflies« , Heinrich Fliedner, Ian Endersby – Busybird Publishing 2019
4- Piney, B. & Krieg-Jacquier, R. (2023). Nomenclature française des appendices anaux des imagos et larves d’odonates : pour l’abandon du terme « cercoïdes ». Martinia, 38 (1) : 1-19