Synlestes tropicus est un très grand zygoptère de la famille des Synlestidae mesurant 63 mm pour un abdomen de 51 mm.
Sa couleur est étonnante, tant pour ses yeux magnifiques, que pour son abdomen d’un jaune que je ne crois pas avoir jamais rencontré sur un zygoptère.
Comme on le constate sur mes photos, les fonds sont sombres et le flash est nécessaire, car ils vivent sur les ruisseaux et rivières de la forêt tropicale humide (rainforest).
Un autre Synlestes, Synlestes selysi, est présent au Queensland, un peu plus au sud. Il est extrêmement ressemblant et ne s’en distingue que par une dent subapicale (difficile à voir sur de bonnes photos) sur les cercoïdes et un ptérostigma subtilement différent. La photo ci-dessus, au milieu, me semblait correspondre, pour le ptérostigma, au dessin que l’on trouve dans la description originale de Tillyard et non à celui de S. tropicus.
Mais, la disjonction taxonomique mise en évidence par G. Theischinger dans une publication de 2021 (2) serait apparemment suffisante pour identifier « à la localisation » car il y a un espace biogéographique significatif entre les zones de résidence de ces 2 espèces, soit la forêt pluviale du centre du Queensland pour S. selysi et celle des « tropiques humides » du nord Queensland pour S. tropicus. C’est en tout cas l’avis des spécialistes australiens, avis auquel je ne peux que me ranger, car je ne suis pas capable de discuter la biogéographie du Queensland et son évolution depuis 20 ans !
Mais souvenons-nous tout de même du cas d’Ischnura graellsii, que l’on pensait bien incapable de franchir l’énorme obstacle biogéographique et climatique que sont les Pyrénées et découvert en France en 2015.
Ci-dessus, en examinant mes photos, je ne parviens pas en effet à trouver une dent subterminale, mais aucune des photos sur Inaturalist ne parvient à la montrer de façon convaincante et on doit donc se baser uniquement sur la localisation pour identifier l’une ou l’autre espèce : sur le plan scientifique, c’est assez désagréable, surtout quand on sait que cette région est soumise à des ouragans et que les 2 sites sont séparés de moins de 100 km.
Les femelles sont encore plus spectaculaires, avec leur énorme ovipositeur !
À gauche une femelle très largement mature dont les couleurs ont quelque peu « passé », ce qu’elle rattrape largement par son œil extraordinaire 😍 À droite, une femelle bien plus jeune, aux couleurs fraîches et à l’œil encore gris.
Noter que la femelle, autant que le mâle, se pose les ailes semi-ouvertes ou les ailes fermées.
Nous ne l’avons pas observée en ponte, je ne sais donc pas quel est le substrat de prédilection qui aurait pu donner une indication sur la raison de cet énorme outil de ponte.
Synlestes tropicus, Tropical needle pour les australiens, est endémique du Queensland et très limité dans cette aire, le long de la zone côtière, au sud et au nord de Cairns, entre Townsville et Cooktown.
Atlas of Living Australia
IUCN Red List
Synlestes vient du grec –syn, signifiant –avec et de Lestes, apparemment d’un mot grec signifiant voleur ou pirate, sans qu’on puisse expliquer la raison de ce choix étonnant. Selys a considéré ce nouveau genre suffisamment différent des autres Lestoidea pour le classer proche des Lestes.
Tropicus, d’un mot grec signifiant –tropical souligne sa localisation tropicale, au nord du Tropique du Capricorne.
-1- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird Publishing 2015
-2- Regions of taxonomic disjunction in Australian Odonata and other freshwater insects:second addendum, with the description of Austroaeschna unicornis Pinheyi ssp. nov.(Anisoptera: Aeshnidae), G. Theischinger, Odonatologica 30(1): 87-96, March 1 2001.