
Malheureusement pour lui, ce Mortonagrion indraneil, Coenagrionidae, fait partie des premières photos de ce séjour de prospection ; à chaque fois, je m’aperçois que les premiers shoots ne sont pas bons… Il faut quelques heures pour s’habituer à la lumière, ou plutôt à l’ombre qui entoure ces odonates qui se placent pourtant souvent dans une trouée de lumière. D’autant que quelques minutes plus tard, nous avons dû nous réfugier sous une gloriette, subissant une des premières fortes pluies du séjour, qui en comptera de nombreuses.

Nous l’avons rencontré dans un parc, dans une partie de forêt inondée ; ce sont des habitués des tourbières, et nous rencontrerons plus tard une femelle immature et un mâle dans cet environnement bien spécial.
Rory Dow (1) nous dit que son abdomen mesure 21.3 mm, soit une longueur totale d’environ 26 mm, ce qui en fait un très petit Coenagrionidae.
D’ailleurs, son statut, comme celui d’autres Mortonagrion reste incertain, et certains ont navigué entre les Agriocnemis et les Argiocnemis, la seule différence notable (hors appendices anaux) repose sur un détail de nervation. Aucun des caractères qui définissent les Mortonagrion n’est unique à ce genremais ils ont tous des taches postoculaires complexes.
Mortonagrion indraneil mâle, Malaisie, Sarawak, Sama Jaya Nature Reserve, 18/03/2025
Quatre autres Mortonagrion sont décrits à Bornéo (16 dans le monde, un en Afrique (!), un en Nouvelle-Guinée, les autres en Asie), mais aucun ne présente exactement ce motif thoracique.
L’un d’entre eux a été décrit en 2015, dans un type d’habitat jusqu’alors inexploré ; il est fort probable que l’on découvre d’autres espèces d’odonates dans ces milieux que l’on pensait ne pas convenir aux libellules…

Les femelles portent précisément les mêmes motifs thoraciques, elles n’ont cependant pas de tache postoculaire ni de coloration bleue sur S8 et S9.


Il est endémique de Bornéo, limité au Sarawak et à Brunei, considéré comme vraisemblablement disparu de l’extrême ouest du Kalimantan. IUCN Red List.
Enfin deux magnifiques femelles immatures rencontrées lorsque nous avons progressé en bateau dans la tourbière de Maludam N.P.


Étymologie
Mortonagrion (Fraser, 1920) (3) ; Fraser a rendu hommage à Kennth J. Morton, un entomologiste écossais qui a montré un intérêt particulier pour les névroptères et les odonates.
Indraneil ; Rory Dow (1) explique qu’il rend hommage au professeur Indraneil Das, qui a présenté, pour la première fois à G.T. Reels et à l’auteur, la forêt marécageuse de l’UNIMAS (University of Malaysia and Sarawak) où l’holotype a été collecté. Le professeur Indraneil Das est un herpétologiste anglo-malaisien qui travaille à l’Institute of Biodiversity and Environmental Conservation de l’Universiti Malaysia Sarawak.

1- Dow, 2011 – Mortonagrion indraneil spec. nov. from Borneo, and a redescription of M. arthuri Fraser (Odonata: Zygoptera: Coenagrionidae) – Zootaxa 3093: 35–46 (2011)
2- Dow, 2021 – AN ANNOTATED CHECKLIST OF THE ODONATA (INSECTA) KNOWN FROM SARAWAK WITH RECORDS TO DISTRICT LEVEL – Sarawak Museum Journal · January 2021
3- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022