Bornéo – Coeliccia nigrohamata (Laidlaw, 1918)

Coeliccia nigrohamata mâle, Malaisie, Santubung N. P., 21/03/2025
Coeliccia nigrohamata mâle, Malaisie, Santubung N. P., 21/03/2025

Coeliccia nigrohamata fait partie d’un genre de Platycnemididae qui comporte actuellement 80 membres en Asie dont 15 à Bornéo, tous endémiques. Neuf espèces ont été décrites, en Asie, en 2020, et d’autres viendront certainement s’ajouter à la liste.
Il m’a tout de suite fait penser à C. octogesima que j’avais rencontré en 2013 en Malaisie Péninsulaire, pour le motif thoracique représentant un ancien combiné téléphonique. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il existe au moins deux autres espèces à Bornéo qui exposent le même décor : C. matok, que nous rencontrerons dans une tourbière, et C. paludensis que nous n’avons pas vu. Tous les deux ont souvent un peu de bleu sur le 8° segment, coloration absente pour Coeliccia nigrohamata.

Coeliccia nigrohamata mâle, Malaisie, Gunung Gading N.P., 22/03/2025
Coeliccia nigrohamata mâle, Malaisie, Gunung Gading N.P., 22/03/2025

Pour les identifier, il faut donc se référer aux appendices anaux et/ou à leur habitat que l’on découvre dans Dow, 2016 (2). Les appendices anaux supérieurs de C. nigrohamata sont plus courts que les inférieurs, c’est l’inverse pour C. matok. Mais, la différence est infime et les photos que j’ai faites sont incapables de le monter ; le motif thoracique me semblait tellement spécifique lorsque j’ai rencontré C. nigrohamata que j’ai pensé que ce n’était pas la peine de photographier très précisément les appendices anaux…

C. paludensis n’est connu que du sud-ouest de Bornéo. Et, heureusement, en principe, C. nigrohamata et C. matok ne se côtoient pas ; lorsqu’ils sont présents dans une même aire géographique, C. matok est confiné aux tourbières forestières. L’habitat de C. nigrohamata est plus varié, un peu plus ouvert. Nous l’avons rencontré près de cascades, en limite de forêt, et surtout dans des fossés, dans des zones envahies de végétation, de type tunnel, comme ci-dessous.

Biotope C. nigrohamata, C. cf. nemoricola, S. dubium, Malaisie, Sri Maha Mariamman Temple Matang, 20/03/2025

Il faut imaginer sur le côté droit de la route un fossé, couvert de végétation ou l’eau circule plus ou moins doucement, selon la pente du terrain. Dans les endroits où la végétation est un peu moins dense et forme des tunnels, on y trouve Coeliccia nigrohamata mais aussi, C. cf. nemoricola et, parfois, quand les fougères s’écartent un peu plus encore, Stenagrion dubium et Devadatta clavicauda.
C’est une route de colline plus que de montagne et nous sommes ici à 260 m d’altitude, sur les pentes du Mont Serapi qui atteint près de 900 m.

Laidlaw nous dit que son abdomen mesure 38 mm, ce qui lui donne une longueur totale d’à peine moins de 45 mm.
Il fréquente, en forêt, les ruisseaux et les zones marécageuses.

Il est endémique de Bornéo, mais largement distribué au nord-ouest, à travers le Sarawak, Brunei et Sabbah. On le trouve également au sud-est du Kalimantan (Indonésie). IUCN Red List. Rory Dow estime que les populations déclinent (destruction de la forêt humide), même si la situation n’est pas encore inquiétante pour cette espèce.

Le temps que nous avons rencontré durant ces 13 jours de prospection, en particulier lorsque nous étions en forêt, a été très décevant et pluvieux ; nous avons rencontré quatre espèces de Coeliccia, mais aucune femelle !

Étymologie
Selys a décrit la première espèce du genre en 1863 sous le nom de genre préoccupé de Trichocnemis (coléoptère longicorne) et c’est Kirby qui a rectifié et créé le genre Coeliccia en 1890. Ce nom de genre, inexpliqué par l’auteur à ma connaissance, vient peut-être du latin coelum  (ou  caelum ), qui signifie ciel ou céleste, et d’un suffixe ou simple terminaison choisie pour l’esthétique ou la phonétique. En effet, la première espèce décrite par Selys, Trichocnemis membranipes, est bleu-ciel, pour toutes ses parties non noires.
Nigrohamata : du latin niger, noir et de hamatus qui signifie hameçonné, muni de crochet. Laidlaw ne donne pas d’explication. Il faut aussi noter, et j’en suis très surpris, que Laidlaw ne décrit pas cette forme singulière de la coloration bleue sur le thorax, mais il y voit deux taches bleues non reliées de chaque côté de la carène dorsale : »on either side of the middorsal carina are two silver-blue spot, the lower large and elliptical, the upper small and linear. « . Il ne faut sans doute donc pas aller chercher la signification de nigrohamata de ce côté (comme je l’ai d’abord pensé en raison de la forme noire contenue dans ce dessin bleu), mais plutôt dans la forme des appendices anaux supérieurs, qu’il décrit noirs et dotés d’une dent interne : » Anal appendages black ; the upper pair shorter than the lower, pair, obliquely truncate, with two internal ventral teeth on each. ». Les deux dents internes pourraient être ces crochets.

Coeliccia nigrohamata mâle, Malaisie, Santubung N. P., 21/03/2025
Coeliccia nigrohamata mâle, Malaisie, Santubung N. P., 21/03/2025

1- Laidlaw, Frank Fortescue. (1918). Some additions to the known dragonfly fauna of Borneo, with an account of new species of the genus CoelicciaProceedings of the Zoological Society of London1917, 223–232.
2- Dow, 2016 – Revision of the genus Coeliccia Kirby in Borneo part II: Two new species from the membranipes-group, with a redescription of C. macrostigma Laidlaw (Odonata: Zygoptera: Platycnemididae). Zootaxa 4184 (1): 079–103.

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