
Brauer (1) décrit Cratilla lineata mâle sous le nom de Orthemis lineata, et il est vrai que le mâle, au stade de la photo ci-dessus, peut faire penser à une femelle Orthemis. Mais, et Brauer le mentionne également, il est très proche de ce qu’il appelle à l’époque Libellula (Orthemis) congener, notre Potamarcha congener ; sur ce point, je suis tout fait d’accord, car, sur le terrain, j’ai du mal à les séparer, quand ils ne sont pas vraiment matures. Ceux que j’avais déjà observés au Vietnam étaient un peu plus matures, plus couverts de pruine sur l’abdomen.

H-M Zang en Chine (2) lui donne une taille totale de 45 à 50 mm, Ngiam & Ng à Singapour (3) 46 à 48 mm.
Il est donné pour habiter les petites mares en forêt, éventuellement des mares temporaires, en dessous de 2000 m (2) et les deux auteurs juste cités notent qu’on le rencontre au long des chemins forestiers. Mais, c’est bien sur une mare minuscule qu’il régnait en maître, étant le seul odonate à s’y manifester à ce moment.

Le genre Cratilla est facilement identifié par la tache métallique sur le front et la large ligne claire qui parcourt la carène thoracique, ici Cratilla metallica en Malaisie. Cratilla lineata se distingue également par ses yeux gris capés de brun-rouge et les lignes jaunes qui parcourent son abdomen.
C’est un odonate auquel on attribue différents noms vernaculaires : Pale face forest skimmer au Bangladesh, Emerald banded skimmer (sa pruine prend en effet une teinte verdâtre) ou Lined-forest skimmer en Inde et à Singapour. Et différentes sous-espèces ; C. lineata lineata, C. lineata assidua, C. lineata calverti (qui serait celui présent en Thaïlande), autant de formes explicables par l’immense distribution géographique de l’espèce.
En effet, on le rencontre de l’Inde et du Sri Lanka au sud de la Chine, il atteint au sud Singapour, Bornéo et Sumatra et les Philippines.
IUCN Red List.

Pour l’anecdote, en faisant les recherches pour cet article, j’ai découvert par hasard un article ou Cratilla lineata est cité comme un pollinisateur occasionnel des cucurbitacées (3) ! Tout comme Diplacodes nebulosa, Crocothemis servilia et Diplacodes lefebvrii, ceci au Bengale occidental, en Inde. J’imagine que sur tous les continents, de nombreuses espèces se posent accidentellement sur de larges fleurs et assurent une pollinisation accidentelle et marginale.
Étymologie
Cratilla est un genre créé par Kirby (4) et je doute un peu de l’étymologie que l’on trouve dans le livre de mon ami Marcus Ng (2). Kirby ne donne pas d’indice et les auteurs proposent que Cratilla viennent du latin cratis qui signifie treillis ou grille et se référerait à la nervation dense ; seulement, et les auteurs le reconnaissent, elle n’est pas vraiment plus dense que pour de nombreux autres Libellulidae, notamment pas plus que des Orthemis dont Kirby les sépare.
Lineata (5), du latin lineatus, pour doté de lignes, ce qui se réfère au motif abdominal.
1- Brauer, F. 1878. Über einige neue Gattungen und Arten aus der Ordnung der Neuropteren. Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften Wien LXXVII, 1: 193206.
2- Zhang, H-M. 2694. Dragonflies and Damselflies of China. Chongqing: Chongqing University Press, China.
3- Binod Saradar & al., 2024 – Pollination of cucurbit crops by non-conventional pollinators in deltaic West Bengal, India – J. Botan. Soc. Bengal 78(2) : 86-92 (2024)
4- Kirby, W. F. (1900). On the species which have been included in Zygonyx, Hagen and De Selys. The Annals and Magazine of Natural History; Zoology, Botany, and Geology, 5, 539-542.
5- Heinrich Fliedner, 2020 – The scientific names of Brauer’s odonate taxa – Journal of the International Dragonfly Fund – 148.