Thaïlande – Hyaleothemis clementia (Ris, 1909)

Hylaeothemis clementia mâle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024
Hylaeothemis clementia mâle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024

Ris crée le genre Hylaeothemis en 1909 pour y inclure deux espèces, Hylaeothemis clementia, à partir d’un jeune mâle de Bornéo, et H. fruhstorferi d’un sujet de Ceylan. Il précise dans « Libellulinen monographisch bearbeitet » (1) que l’abdomen mesure environ 23 mm (20 mm pour Asahina (2)) ce qui nous fait un tout petit Libellulidae d’à peu près 34 mm.

Hylaeothemis clementia mâle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024
Hylaeothemis clementia mâle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024

Je l’avais déjà rencontré au Vietnam et j’avais déjà émis des doutes sur son identification en le nommant Hylaeothemis cf. clementia.
Deux détails évidents le séparent de l’espèce décrite par Ris, de Bornéo (ici une photo de Budak, du nord de Bornéo) :
– la nôtre ne montre qu’un tout petit trait clair, là où devrait se trouver une bande antéhumérale claire, s’élargissant en avant
notre sujet porte deux taches dorsales larges et grossièrement ovales sur le 7° segment (très évocatrices du genre Micrathyria en Amérique) et pas de marque latérale sur le 6° ; celui de Ris montre une continuité des taches abdominales latérales jusqu’au 7° segment inclus, et pas de marques dorsales.
Si le premier détail pourrait être considéré comme une variation géographique, on devrait trouver des intermédiaires entre les 2 formes, entre Bornéo et le nord de la Thaïlande, le Vietnam et même le Yunnan, ce qui n’est pas le cas. Le 2° détail, à mon avis, permet d’exclure que ce soit la même espèce, car il ne s’agit pas du tout d’une simple diminution ou extension d’un décor abdominal, mais d’une marque bien différente.

Hylaeothemis clementia mâle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024
Hylaeothemis clementia mâle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024

Cette différence est connue depuis longtemps et au moins depuis l’article d’Asahina (1992), inclut dans le livre déjà cité (2), dans lequel il montre les profils des deux sujets. Il montre également l’appareil génital secondaire des deux espèces, sous le S2, et les trouve ressemblant.
Ce n’est pas mon cas, quand je compare (les deux images ne sont pas à la même échelle) ce qu’a dessiné Ris, et ce que je peux tirer de la première photo de cette page :

Hylaeothemis clementia mâle, appareil génital secondaire
Hylaeothemis clementia mâle, appareil génital secondaire

Nous avons eu beaucoup de chance avec les femelles que nous avons observées deux jours différents sur le même site, plusieurs matures et une jeune (à droite ci-dessous). Il faut de la chance, car que ce soit pour les mâles ou les femelles, que ce soit pour l’espèce nominale ou la nôtre, elles sont rarement vues (3). Et, comme presque toujours pour les Libellulidae, les femelles sont encore plus discrètes.

Et pour ces femelles, on retrouve les mêmes différences que pour les mâles, bande antéhumérale à peine visible et tache dorsale sur S7, sauf le S6 porte une marque claire latérale, à comparer avec cette photo (du même Budak, à Sabah, au nord de Bornéo).
La tache grisâtre sur la femelle ci-dessous à droite est certainement un reste du substrat de ponte. On note l’épaisseur de l’abdomen.

Hylaeothemis clementia femelle, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024
Hylaeothemis clementia femelle, Thaïlande, Ban Luang, 06/06/2024

Hylaeothemis clementia femelle, Thaïlande, Ban Luang, 03 et 06/06/2024

Sa distribution, si l’on se réfère à l’IUCN qui confond les deux espèces, comprend Bornéo, la péninsule malaisienne, la Thaïlande, le Laos, le Vietnam et, en Chine, le Yunnan et Hainan. Mais, une mise à jour est survenue en 2019, donc après que j’ai écrit la page sur l’espèce au Vietnam ; elle mentionne que les données nordistes pourraient bien appartenir à une autre espèce !
Ce qu’on relève sur iNaturalist montre que le partage entre les deux espèces se fait entre la pénisule malaisienne et la Thaïlande, là où se trouve une importante lacune de distribution.

Hylaeothemis clementia femelle, Thaïlande, Ban Luang, 06/06/2024
Hylaeothemis clementia femelle, Thaïlande, Ban Luang, 06/06/2024

Nous les avons rencontrés tous, mâles, femelles immatures et matures, accouplement, près d’une petite rivière très encaissée à ce niveau, dont les rives boisées étaient très difficilement praticables, très pentues, sorte de parcours du combattant en raison d’une grande quantité de bambous déversés à cet endroit et de nombreux tuyaux d’irrigation.
Tous ensemble, nous avons cherché à approcher cet accouplement, les premiers sujets que nous avons rencontrés. Et cela n’a pas été sans mal pour certains qui se sont enfoncés dans l’amoncellement de bambous.

Hylaeothemis clementia accouplement, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024
Hylaeothemis clementia accouplement, Thaïlande, Ban Luang, 03/06/2024

Étymologie (4)
Hyleaothemis, d’un mot grec signifiant « appartenant à la forêt » et de Themis. Themis n’a jamais été un nom de libellule à part entière. Il a été établi comme élément dans les noms de genres de libellules par Hagen (1861), lorsqu’il a dû nommer de nombreux nouveaux genres nord-américains. Son modèle était les noms en –etrum suggérés, pour les nouveaux genres de libellules, par Newman (1833) (par exemple Orthetrum, voir p. 113). Mais comme les noms d’espèces adjectivaux s’ils étaient transférés de Libellula, à un genre en –etrum, devaient être changés de genre en neutre, Hagen a évité de tels changements en choisissant l’élément féminin –themis comme deuxième partie des nouveaux noms (voir Hagen 1888), signifiant simplement « genre de libellule ». Il a probablement été inspiré dans son choix par des noms de dieux, dans la nomenclature comme Nehalennia ou Cora.
Themis est un excellent choix, c’est la déesse de la justice et de l’ordre, ce qui s’applique très bien à une classification.
Ris, créant ce genre, écrit que ces espèces sont des « habitants de la foret ».
Clementia est un hommage à un certain Monsieur Clément (avec un accent sur le « e » dans le texte de Ris), découvreur de l’espèce ou ayant seulement eu un rôle d’intermédiaire en fournissant l’espèce à Selys, on ne le saura sans doute jamais.

1- RIS, F., 1909 – Libellulinen monographisch bearbeitet, 1. Colins zool Edm. de Selys Longchamps 9: 1-120, p. 64.
2- Dr Syoziro Asahina, 1993 – A List of the Odonata from Thailand (Parts I – XXI), Bro. Amnuay Pinratana, 1993.
3- A Guide to the Dragonflies of Borneo, their identification and biology. A.G. Orr, Natural History Publication (Borneo) – 2003.
4- Heinrich Fliedner, 2021 – The scientific names of Ris’ odonate taxa – Journal of the International Dragonfly Fund.

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