Aristocypha fenestrella (1) mâle est un joyau des rivières et, en Thaïlande, son nom vernaculaire anglais souligne la beauté du genre entier en le nommant Jewel (bijou) et de l’espèce en la comparant au paon ; il est ainsi appelé Peacock jewel.
Le mâle est facile à identifier, portant un triangle parfait, rose pâle ou rose vif, sur la face supérieure du thorax ; selon Laidlaw, sa taille importante serait même diagnostique du genre Aristocypha (2). Il exhibe également un graphisme jaune sur les flancs du thorax, mais ce sont bien sûr ses ailes qui attirent l’attention.
Elles apparaissent variables en fonction des angles d’incidence du regard de l’observateur et de celui de la lumière. Elles sont « fenêtrées » mais ces zones qui peuvent paraître hyalines renvoient une spectaculaire irisation violacée, rose et même verte, surmontées d’un ptérostigma parfois rose vif ! Bien sûr, les nuances et l’intensité de cette irisation évoluent avec l’âge de l’insecte.
Tout comme le ptérostigma qui a tendance à se faire très discret pour les sujets mâles âgés.
Ce sont des zygoptères, ils se posent avec les ailes jointes et il n’est donc pas fréquent de pouvoir observer les ailes antérieures, cachées par la paire la plus externe et la plus spectaculaire. Comme on le voit sur les photos de gauche issues de Hämäläinen, Reels & Zhang, 2009 (3), et ci-dessous à droite, ces ailes internes ont un motif sombre étonnant et le bord de fuite de l’aile reste hyalin avec un motif en escalier.
Ces motifs sont d’ailleurs variables et différentes sous-espèces avaient été décrites.
L’abdomen est parcouru dans sa partie inférieure de petites marques jaunes, plus ou moins marquées. Les pattes sont sombres, mais la face interne des tibias est blanche, presque pruineuse, me semble-t-il. D’ailleurs, les ailes, comme ces faces blanches des pattes, interviennent dans la cour des mâles auprès des femelles.
On constate « facilement » la présence d’un insecte sur la patte ou les pattes postérieures du sujet de la première photo, c’est beaucoup moins évident sur le sujet ci-dessus, et l’agrandissement que j’en ai fait n’apporte pas grand-chose. J’avais déjà rencontré Aristocypha fenestrella au Vietnam en 2018 et surtout en Malaisie en 2013 ; à cette première occasion, j’avais déjà été étonné de constater la présence d’un diptère parasite sur la face dorsale de son thorax.
Et j’ai cru qu’il en était de même ici, alors qu’il s’agit bien d’une fourmi sur ces deux différents sujets ; très étonnament, ils ont tous les deux un bout de patte coupé ! Les fourmis en seraient-elles responsables ?
Il mesure 29 à 35 mm avec des ailes très longues, bien sûr, de 23 à 33 mm (4).
On le rencontre en milieu ouvert, généralement posé sur les rochers ou les branches mortes, très près des eaux courantes, parfois rapides.
Deux genres sont très proches, au point que les espèces ont voyagé de l’un à l’autre et on ne sait pas réellement si la classification actuelle est fixée. Ainsi Rambur avait décrit cette espèce sous le genre Rhinocypha. Le genre Heliocypha prête également à confusion.
Tous font partie de la famille des Chlorocyphidae caractérisée par un abdomen plus court que les ailes et un clypeus dilaté et projeté en avant (ressemblant à un nez !).
J’avais déjà observé un magnifique mâle immature en Malaisie.
Les femelles sont très différentes des mâles et sont identifiées ou différenciées des espèces voisines (et même des femelles des genres voisins) par leurs motifs thoraciques complexes dans la partie inférieure. Il faut noter leur abdomen énorme et le fait qu’elles portent aussi un triangle sur la face dorsale du thorax, mais il n’est pas coloré intérieurement, juste dessiné en jaune.
Les femelles pondent dans les bois morts pourrissant dans l’eau, ici, un tronc enterré, presque recouvert de sable, par le courant de la rivière.
On le rencontre du Myanmar, au sud de la Chine, au Vietnam et dans la péninsule malaisienne.
IUCN Red List.
Étymologie
Aristocypha, du grec arist,-o, pour meilleur, noble, et de cyphos pour bossu pour évoquer la curieuse excroissance qu’ils portent sur la face. Laidlaw n’a pas explicité ce nom de genre qu’il a créé ; la noblesse évoquée n’a peut-être pour but que de souligner la beauté des membres de ce nouveau genre, qui reprend « cypha », comme quasiment tous les membres de la famille.
Fenestrella est un diminutif du latin fenestra, qui signifie petite fenêtre. Rambur dans sa description évoque « les taches transparentes« , « les taches vitrées » des ailes qui évoquent des petites fenêtres.
1- Rambur, 1842 – Histoire naturelle des Insectes Névroptères, p. 236.
2- Laidlaw, 1950 – A survey of the Chlorocyphidae (Odonata: Zygoptera), with diagnoses of proposed new genera, and description of a new geographical subspecies – Transactions of the Royal Entomological Society of London
3- Hämäläinen, Reels & Zhang, 2009 – Description of Aristocypha aino sp. nov. from Hainan, with notes on the related species (Zygoptera: Chlorocyphidae), TOMBO, Matsumoto, 51: 16-22. Feb. 13, 2009.
4- Odonata of China.