Rhyothemis plutonia fait partie de ce genre spectaculaire aux ailes richement colorées qui renvoient de spectaculaires irisations. Même sans être spécialement attiré par les insectes, tous les observateurs s’extasient de leur parure. Il y a de nombreux autres Rhyothemis comme le premier que j’ai rencontré en Asie, R. variegata, en Afrique, comme R. fenestrina, ou R. resplendens en Océanie.
Ils sont présents sur trois continents et leur identification ne pose pas de problème en raison de la spécificité de leur coloration.
Tous les Rhyothemis sont le plus souvent en vol, sport pour lequel ils sont particulièrement adaptés par la largeur de leur aile postérieure. Rhyothemis plutonia fait peut-être partie des exceptions, car très nombreux sur la mare de l’arboretum de Chiang Mai, ils se posaient de temps en temps, sur des rameaux ou des plantes émergentes, et plus rarement, fatigués sans doute des combats territoriaux, sur la berge comme ci-dessus.
Nous ne l’avons rencontré qu’en plaine, à Chiang Mai et sur une mare non loin de la ville.
Il mesure 31 à 35 mm, avec un abdomen de 19 à 23 mm, et une aile postérieure de 29 à 31 mm.
Sa distribution s’étend du Népal, de l’est de l’inde et du Bangladesh jusqu’à l’ile d’Hainan en Chine, mais il est certainement présent au Yunnan, au Guizhou et plus à l’ouest de la Chine du Sud. On le trouve au Vietnam, Cambodge, Laos, sur la péninsule Malaisienne et Sumatra.
Je l’avais rencontré en Malaisie et c’est l’occasion de mentionner que l’étendue de la coloration alaire des mâles est variable aux antérieures ; en Malaisie, pour ceux que j’ai contactés, l‘aile était intégralement décorée.
Les deux photos ci-dessus sont du même individu et elles m’ont permis de mettre en évidence ce petit point rouge dans l’espace interalaire : il s’agit probablement d’un parasite, un hydracarien, sans doute du genre arrenurus. Je n’ai pas vu d’autre Greater-Blue wing ainsi parasité, et la localisation est un peu étonnante, le plus souvent sur les ailes ou les faces latérales et inférieures du thorax des Libellulidae
Ce parasite, monté à bord à la fin de l’émergence, se nourrira de l’hémolymphe de son hôte pour assurer sa croissance ; celle-ci terminée, il poursuivra son cycle en retournant à l’eau.
J’ai fait cette dernière photo pour montrer la face inférieure des ailes, ce qu’on ne voit pas souvent ! Le contraste est énorme entre cette teinte brunâtre et les reflets irisés de l’autre face. Il n’y a en effet pas de raison de gaspiller un maquillage qui ne serait pas vu des femelles, car leurs ailes somptueuses interviennent certainement pour séduire les femelles.
Celles-ci sont d’ailleurs assez rarement vues ; j’ai aperçu un accouplement, j’ai supprimé toutes les photos. J’ai photographié une femelle en ponte, mais les clichés ne sont pas « montrables » non plus.
Étymologie
Dans Rhyothemis (Hagen, 1867) on reconnait le nom de la déesse de L’Ordre et de la Justice (1), Themis, fréquemment utilisé encore après Hagen, pour nommer des Libellulidae, par imitation de ce que faisaient les anciens en utilisant des noms issus de la mythologie. La première partie du nom vient sans doute, selon Fliedner, d’une roche, la Rhyolite, découverte en 1861 et dont le nom est composé de deux mots grecs signifiant –couler et –pierre, cette roche magmatique montrant des bandes ou couches semblant avoir coulé les unes sur les autres. Quand on regarde des photos de rhyolite, cette explication est surprenante.
Plutonia, est certainement une référence au dieu romain des Enfers, Pluton. Dans son ouvrage (2), Selys décrit juste au-dessus Rhyothemis fuliginosa qu’il trouve très ressemblante et dont il qualifie les ailes de « opaques noirâtres chatoyant ». Plutonia est sans doute utilisée pour les ailes sombres aux reflets de feu qui peuvent évoquer l’enfer…
1- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird publishing.
2- Selys, 1883 – Les odonates du Japon – Annales de la Société Entomologique de Belgique, p. 89.