C’est en explorant la végétation à l’arrière de ce lieu bien utile que l’un d’entre nous a découvert ce magnifique mâle Aeschnophlebia chiengmaiensis, perché dans un arbre, à contrejour, à environ 4 mètres de haut. Nous n’avons pas eu le choix de l’angle de prise de vue, car la végétation le dissimulait…
Il fait partie des 32 Aeschnophlebia (1) connus en Asie, mais il n’y en a que trois en Thaïlande, dont une espèce encore non décrite. En raison de leur habitat, il y a un fort potentiel de découverte de nouvelles espèces.
Il a été décrit par Asahina (2) et comme souvent, il m’est impossible de trouver les descriptions publiées dans la revue japonaise Tombo.
Sur le site Odonata of China, on lit qu’il mesure 54 à 60 mm avec un abdomen de 43 à 47 mm.
En poursuivant l’exploration de ce sous-bois très humide et pentu, nous avons eu la chance extraordinaire de contacter la femelle, qui a bientôt changé de support pour se poser sur la face inférieure d’une palme splendide. Malheureusement, ces scènes se déroulent très à l’ombre.
Jusqu’à ce que notre équipe découvre ce couple, il n’y avait que quatre photos de l’espèce sur iNaturalist.
C’est un odonate de moyenne montagne que l’on rencontre le plus souvent entre 500 et 1000 m, sur les ruisseaux ou petites rivières et ruisseaux sombres.
En 2021, selon l’IUCN, il n’était connu que de trois sites dans le nord de la Thaïlande et un au Yunnan.
Étymologie
Le genre Aeschnophlebia a été décrit par Selys, 1883, pour A. optata (maintenant A. milnei), du Japon. La première partie du nom rappelle son appartenance à la famille des Aeshnidae, la seconde vient du grec phleb signifiant veine ou relatif aux veines pour indiquer une particularité de la nervation (veination) de ce genre et par analogie avec le genre Staurophlebia (Brauer, 1865). Selys insiste en effet dans sa description sur « Nervure sous-costale prolongée (tout au moins aux ailes supérieures) au-delà de la veine du nodus (qu’elle traverse) jusqu’à la première nervule postcubitale. » puis « Le caractère singulier de la nervure sous-costale prolongée au-delà de la veine du nodus, sur lequel le Dr Brauer a fondé son genre Staurophlebia, est très exceptionnel chez les Odonates. »
Mais quand Selys décrit ce genre, il y intègre trois espèces, toutes trois présentent bien sûr ce caractère singulier. Mais, très mauvais hasard, l’exemplaire de A. optata décrit pas Selys est absolument unique, en ce sens que tous les autres sujets examinés ultérieurement ne présentent pas cette veine costale prolongée. De plus, les deux autres espèces décrites, pour lesquelles ce caractère est stable, ont changé de genre…
Les Aeschnophlebia actuels, au sens de O. Kosterlin (4) (qui n’est d’ailleurs pas d’accord avec l’étymologie que je propose pour des raisons qui m’échappent) ne montrent pas cette veine costale dépassant le nodus, ce qui est bien sûr le cas de celui-ci.
Chiengmaiensis : ce nom évoque la région ou l’holotype a été collecté par H. Kuwabara en juin 1972, et je suppose qu’il s’agit d’une déformation, ou de l’appellation ancienne de la région de Chiang Mai. À laquelle est ajouté le suffixe –ensis qui signifie relatif à, originaire de.
1- World Odonata List
2- Asahina, 1981 – Records of little or unknown Odonata from Thailand. Tombo (Tokyo) 23(1-4) pages 3-16
3- Selys, 1883 – Les Odonates du Japon – p 121
4- Kosterlin O., 2023 – Nomenclatural reconsideration of the genera Aeschnophlebia Selys, 1883 and Planaeschna McLachlan, 1896 (Odonata, Aeshnidae) – Zootaxa 5353 (5): 495–500