Drepanosticta anascephala est un Platystictidae dont le genre compte 130 espèces ! Ce n’est que le 4° que je rencontre. Il est bien sûr difficile de les identifier et si Fraser (1) a décrit cette espèce en 1933, elle a été décrite à nouveau par Asahina (2) sous le nom de D. doisuthepensis en 1984, puis synonymisée.
Le point commun de ces Drepanosticta est certainement d’aimer l’ombre dense de la forêt (les Platystictidae sont appelés Shadow damsels) et les eaux lentes qui y serpentent, les résurgences et les suintements et les marais. Ils sont très difficiles à repérer et faciles à perdre s’ils décollent (pour se reposer cependant très près). On ne devine en vol que les points clairs de l’abdomen et surtout le spot bleu terminal. Il reste donc sûrement de nombreuses espèces à découvrir…
En Thaïlande, au moins deux autres espèces sont observées ; D. fontinalis et D. jurzitzai. Ils se différencient par la quantité de bleu sur les derniers segments et bien sûr les appendices anaux.
À cet endroit où Michael et Phil observent l’espèce, dans un sous-bois (Suthep, Mueang Chiang Mai, 30/05/2024), les pieds dans un ruisseau près d’une petite chute, nous sommes à une altitude d’environ 1180 m (18.805889, 98.908528).
La forme du bord antérieur des ailes est intéressante, brutalement courbée au niveau du ptérostigma quadrangulaire et presque carré. Noter également la tache jaune sous le huitième segment, ornée d’une touffe de soies rousses (voir aussi plus bas).
Les appendices anaux sont complexes comme on le devine sur la photo du centre et expliquent d’ailleurs le nom d’espèce, même si ma photo ne permet pas de voir le détail amusant que l’on rapportera plus bas.
Selon Fraser, l’abdomen mesure 43 mm ; la longueur totale est d’approximativement 51 mm, l’aile postérieure atteint 27 m.
Si l’holotype a été décrit depuis un spécimen capturé au nord du Laos, il est surtout présent en Thaïlande où il atteint le sud et laisse présager sa présence au nord de la Malaisie. Il pourrait, de plus, être rencontré au Myanmar et au Yunnan.
Drepanosticta : du grec drepanon, pour faucille, serpe et de stiktos qui signifie tatoué, marqué ou tacheté. C’est certainement la forme particulière du bord de l’aile qui vaut à ce genre cette dénomination en « faucille » bien qu’il ne soit pas fait mention de ce caractère dans la description du genre par Laidlaw (3) en 1917.
Quant à la mention de « taché » (sticta) elle n’est là que pour souligner son appartenance à la famille des Platystictidae dont le nom dérive des Platysticta, un genre d’Asie du Sud dont l’extrémité des ailes porte une tache sombre (4).
Anascephala, du latin anas pour canard et du grec képhalế pour tête, reflète la forme en tête de canard qui se révèle sur les appendices anaux inférieurs (paraproctes) quand on les observe de côté.
Fraser écrit : »Inferiors very intricate, of the same length as superiors, very broad at base, ending in an irregular process shaped like the inverted head of a duck with its bill gaping widely, the similarity being heightened by a small raised black process which marks the eye of the duck »- « Inférieurs très compliqués, de même longueur que les supérieurs, très larges à la base, se terminant par un processus irrégulier en forme de tête inversée d’un canard avec son bec largement ouvert, la ressemblance étant renforcée par un petit processus noir en relief qui marque l’œil du canard. » [le dessin original a été tourné pour mieux faire voir la tête de canard.]
1- Fraser F. C. – Dragonflies of the Laos Country, Journal Siam Society, Natural History suppl. Vol, IX, No. 1,1933, p 114.
2- Asahina S. – A List of the Odonata from Thailand : Part III. Platystictidae, Kontyû, Tokyo, 52 (4) : 585-595 – December 25, 1984
3- Laidlaw F. – A list of the dragonflies recorded from the Indian Empire, with special reference to the collection of the Indian Museum, Records of the Indian Museum, Vol. 13, p 34, 1917
4- Robin Ngiam & Marcus Ng – A photographic guide to the Dragonflies and Damselflies of Singapore – John Beaufoy Publishing – 2022