C’est vraiment une surprise ce matin du 2 juin de découvrir deux Microgomphus jurzitzai (Gomphidae), gentiment posés sur des feuilles à bonne hauteur, juste au bord de la Klang River, sous le parking qui permet d’accéder aux chutes de Siriphum. Même si nous avons eu la chance de trouver juste avant des espèces nouvelles (pour le tour), la matinée, souvent sous la bruine, s’est avérée un peu décevante. Et deux Microgomphus d’un coup, cela vous remonte le moral !
Nous avons eu du mal à l’identifier, même revenus dans nos pays respectifs : c’est Noppadon Makbun, un entomologiste thaïlandais spécialisé dans les odonates, qui m’a donné son nom, Microgomphus jurzitzai, avec une certaine prudence, car l’espèce n’est pas encore bien connue en Thaïlande bien qu’elle paraisse sur certaines listes. Il connaît bien le genre, parce qu’il a décrit Microgomphus farrelli (1) (qui met d’ailleurs à l’honneur Dennis Farrell, un amateur odonatophile éclairé qui gère un site de qualité sur les odonates de Thaïlande).
J’ai d’ailleurs d’abord cru que c’était cette espèce (M. farrelli), mais la branche interne des cerques est trop longue, dépassant nettement la branche externe et la face est aussi différente.
J’avais aussi comparé avec les 2 autres Microgomphus présents en Thaïlande, mais ce n’est ni M. svihleri ni M. chelifer, ni même M. alani qui serait peut-être présent dans le nord de la Thaïlande. Et j’avais écrit à mes compagnons de voyage que c’était soit une nouvelle espèce pour la Thaïlande, soit une nouvelle espèce tout court. L’intervention de Noppadon Makbun a donc été décisive.
Ce Microgomphus jurzitzai mesure au total 42.5 mm, l’abdomen 31.3 mm et l’aile postérieure 26.1 mm.
Nous les avons donc rencontrés sur la rive arborée d’une rivière de montagne, en limite de forêt à environ 1450 m d’altitude.
L’IUCN n’est pas à jour concernant cette espèce et la limite au sud du Vietnam. Mais si elle est présente en Thaïlande, elle est certainement présente au Cambodge et vraisemblablement au Los.
Étymologie
Microgomphus, du grec mikros, petit, et de gomphus. Gomphus vient d’un mot grec qui signifie cheville ou boulon, en référence à la forme de l’abdomen (de la plupart des espèces), qui ressemble, par sa dilatation terminale, à une cheville pour assembler les bateaux.
Jurzitzai : Karube (2) indique qu’il dédie cette espèce au Dr Gerhard Jurzitza : « Dedicated to Professor Dr Gerhard JURZITZA, on the occasion of his 70th birthday. »
Le Dr Jurzitza est considéré comme le doyen de l’odonatologie allemande (3). Un de ses ouvrages (4), en français, semble oublié, en France ; il ne manque pourtant pas d’intérêt pour son texte accompagné de photos, ses clés (des larves) et son format de poche.
1- NOPPADON MAKBUN & GÜNTHER FLECK – Description of Microgomphus farrelli sp. nov. (Odonata: Anisoptera:Gomphidae) based on adults of both sexes and larvae from Northern Thailand, Zootaxa 4422 (3): 442–450, 2018
2- H. Karube – Microgomphus jurzitzai spec. nov., a new dragonfly from southern Vietnam (Anisoptera: Gomphidae), Odonatologica 29(1) : 63-65, March 1, 2000
3- H. Heidemann, Professor Dr Gerhard Jurzitza : A short biographical sketch and bibliography – Odonatologica 28(4) : 321-332 – December 1, 1999
4- Libellules d’Europe – Europe centrale et méridionale – G. Jurzitza – Delachaux et Niestlé – 1993.