Onychogomphus forcipatus : prédation sur Enallagma cyathigerum

Onychogomphus forcipatus femelle, prédation sur Enallagma cyathigerum mâle, Castelnau-de-Montmiral (F-81), 25/07/2024

Prédation par Onychogomphus forcipatus femelle sur Enallagma cyathigerum mâle

Le 25 juillet 2024, j’ai prospecté entre la Vère et un champ de maïs qui la longe, dans l’espoir de trouver des Gomphus et en particulier Gomphus simillimus que j’avais eu la chance d’apercevoir quelques années plus tôt, dans une allée couverte d’arbre de la base de loisirs de Vère-Grésigne. Je suis donc un peu à distance de la pleine activité des odonates qui se déroule sur les étangs de la base, et c’est volontaire, afin de trouver aussi des jeunes en maturation et des femelles.
À quelques mètres de moi, un odonate s’est posé au bord du champ de maïs ; j’ai reconnu de loin un Onychogomphus, mais dans cette région, je les vérifie tous car j’espère toujours trouver des O. uncatus, qui ne sont pas présents dans mon Maine-Loire.

Et c’était malheureusement une femelle Onychogomphus forcipatus, mais elle avait capturé un mâle que j’ai identifié quelques clichés plus tard comme un mâle Enallagma cyathigerum.
Classiquement, le repas commence par la tête, sans doute dans le but de détruire une partie des centres nerveux, à moins que ce ne soit la partie la plus savoureuse… Pourtant, le thorax est beaucoup plus riche en protéines, puisqu’il abrite les puissants muscles impliqués dans le vol.
Ci-dessous à gauche, noter que les pattes antérieures maintiennent la proie, et n’interviennent que rarement pour se cramponner aux supports.

Mais 2 minutes et 30 secondes plus tard (entre les photos 3 et 5), le thorax a été englouti. Le sujet a changé de support, s’échappant de quelques mètres, sans doute pour fuir ma présence de plus en plus rapprochée. Il s’est posé sur les barbes d’un épi de maïs et, comme souvent, lorsque les odonates sont occupés à leur repas, ils sont assez tolérants, j’ai pu m’approcher à nouveau.
Elle a alors laissé tomber l’abdomen et à ma grande surprise, elle a mangé les ailes. Est-ce volontaire ou étaient-elles engagées dans son appareil broyeur avec le thorax et ne parvenait-elle pas à s’en débarrasser, je ne sais pas. Toujours est-il, qu’elle a soigneusement mastiqué et avalé les membranes, ce que je n’avais jamais vu faire. Et c’est assez logique, car leur valeur nutritive doit être très réduite.

On voit ci-dessous les restes de l’aile disparaître…
Finalement, ma dernière photo est insolite, montrant cet odonate imposant contemplant l’abdomen minuscule de sa victime.

Le rapport de force, de poids et de taille est en effet démesuré ; selon Ilvonen & Suhonen, 2016 (1) Enallagma cyathigerum pèse en moyenne (13 individus) 0.0345 g, et sa taille varie de 29 à 36 mm. Je n’ai jamais pesé une femelle Onychogomphus forcipatus et je n’en ai pas trouvé le poids ; un mâle mesure 46 à 50 mm, c’est une espèce massive et par comparaison avec d’autres Ansioptères de taille équivalente on peut penser qu’il atteint dans les 0.6 ou 0.7 g.

Le prédateur est donc moitié plus grand et pèse presque 20 fois plus que sa proie. À titre indicatif (il est fabuleux de penser que des scientifiques se soient penchés sur le sujet) la force de la mandibule d’un O. forcipatus atteint 1.23 newton (2).

1-Ilvonen Jaakko J. and  Suhonen Jukka, 2016 Phylogeny affects host’s weight, immune response and parasitism in damselflies and dragonflies, R. Soc. Open Sci.3160421http://doi.org/10.1098/rsos.160421
2- Sina David, Johannes Funken, Wolfgang Potthast and Alexander Blanke, Musculoskeletal modelling under an evolutionary perspective: deciphering the role of single muscle regions in closely related insects, National Institute of Health, 2016

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