Ce Phyllocycla sp. (Gomphidae) est un mystère : à chaque fois que nous avons pris la pirogue, nous l’avons aperçu, en vol, ou posé sur les branches qui émergeaient, en ce temps de très basses eaux. J’ai bien sûr fait quelques photos en vol, mais nous avons surtout essayé de nous en approcher, ce qui n’est pas facile ; il est craintif et une pirogue, même moteur coupé avec 6 ou 7 individus à bord, n’est pas tellement discrète. De plus, il faut sans cesse compenser la dérive et le balancement provoqué par 6 prospecteurs avides de nouveautés.
Les photos ne sont pas parfaites, mais avec huit rencontres différentes, j’ai finalement réussi à le voir sous tous les angles, ce qui devrait permettre son identification. Je n’ai malheureusement pas de vue supérieure des appendices anaux, mais une vue latérale est correcte et les motifs thoraciques complexes sont bien visibles.
Noter l’expansion ventrale du huitième segment, à peine marquée sur le neuvième qui porte un ergot sur sa face dorsale. Les appendices anaux supérieurs, cerques, deux fois plus longs que les inférieurs, sont recourbés vers le haut à leur extrémité et portent, en dessous, en leur milieu, une épine dirigée vers l’arrière.
Noter également la touffe de soies qui s’échappe de l’espace interoculaire.
Le plus surprenant, c’est que ce Phyllocycla n’a jamais été vu par aucun prospecteur dans cette région, alors qu’il nous apparaissait très présent, très visible sur ces supports émergents de la rivière, pendant les 15 jours de notre prospection.
J’ai eu beau chercher dans la littérature, il est très difficile de trouver des dessins ou photos des appendices anaux des 31 Phyllocycla connus actuellement, je n’y suis pas parvenu. De plus, il est fort possible que cette espèce ne soit pas connue et encore non décrite.
C’est un genre très difficile, car les espèces (sauf au moins P. galdiata, beaucoup plus commun) sont rarement aperçues ; elles vivent sur les rivières des forêts denses, sont difficiles à capturer et les femelles, que l’on aperçoit seulement lors de la ponte, restent souvent inconnues.
C’est un odonate spectaculaire et imposant et je pense qu’il doit frôler les 60 mm.
Phyllocycla (1) ; du grec phyllo, pour feuille et kyklos, pour cercle ou rond, en rapport avec la forme arrondie de l’expansion foliacée du huitième segment.
Mais ce nom de genre dû à Calvert (1948) (2) est une anagramme du genre créé par Sélys (3) sous le nom de Cyclophylla et qui était déjà occupé par un genre de méduse (ce genre n’existe plus et a été remplacé par Periphylla !).
1- Heinrich Fliedner, Ian Endersby, The Scientific Names of North American Dragonflies, Busybird Publishing, 2019
2- Calvert P. P. (1948), Odonata (dragonflies) of Kartabo, Bartica District, British Guiana, Scientific contributions of the New York Zoological Society, volume: 33, p. 47-87.
3- Selys, 1854, Synopsis des Gomphines. Bulletins de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, p 76.