Dans l’ombre de la forêt amazonienne, ce Phoenagrion trilobum (Coenagrionidae) est une surprise et une vraie beauté. Sa coloration est tout à fait originale ainsi que la disposition des taches de couleurs. Ses yeux sont tricolores, sous la forme de trois bandes bien distinctes, et c’est un détail d’identification qui permet de le séparer de Phoenicagrion flammeum, lui aussi présent dans la zone.
Il appartient à un genre très récent puisque créé par Natalia von Ellenrieder (1) en 2008, pour accueillir P. flammeum qui se promenait entre différents genres depuis 1876 et pour y accueillir une nouvelle espèce, P. paulsoni. C’est un genre qui comprend actuellement sept espèces, dont 4 décrites en 2010, Phoenicagrion trilobum étant le dernier, en 2014. D’autres découvertes sont certainement à venir…
Une des caractéristiques du genre est l’absence de marques ou lignes noires sur le thorax, ce qui lui donne cet aspect si singulier au sein des Coenagrionidae.
Ce sont des espèces rares, rarement rencontrées, et celle-ci était connue depuis 1939, par une unique femelle collectée par le naturaliste allemand Guillermo G. Klug. Ce n’est que 70 ans plus tard, 3 autres spécimens ayant été collectés en 2009 et 2010, que Tim Faasen a pu décrire l’espèce (2).
Il mesure 40.5 mm avec une aile postérieure de 21.5 mm.
Phoenicagrion trilobum mâle, Pérou, Amazon Research Center (Chino), 20/08/2023
Nous avions d’abord rencontré une femelle qui est, c’est assez peu commun pour les Coenagrionidae, une copie conforme du mâle, sur le plan de la coloration de la face et du thorax.
Phoenicagrion trilobum femelle, Pérou, Amazon Research Center (Chino), 17/08/2023
Nous les avons observés dans un biotope bien particulier, dans les trous de lumière de l’aguajal, qui est un marais de palmes (Mauritia flexuosa) en forêt primaire, au sol en permanence humide où l’eau est présente entre les racines des palmiers. Tim Faasen (2) précise qu’on les rencontre souvent avec Metaleptobasis gabrielae, ce que je confirme puisque mes photos suivantes concernent cette espèce.
L’espèce n’est connue que de cette région, soit la réserve Tamshiyacu-Tahuayo, à environ 70 km au sud d’Iquitos.
Étymologie
Phoenicagrion (1), Natalia von Ellenrieder explique qu’elle a créé le genre à partir du du grec phoinicos qui signifie rouge et de agrion, un nom neutre translittéré du grec agrios – utilisé pour de nombreux noms de Coenagrionidae signifiant « ce qui est vivant dans les champs, à l’état sauvage ». Elle souligne que c’est aussi une « Allégorie au mythologique Phoenix, oiseau rouge doré, toujours unique et renaissant de ses cendres, se référant aux couleurs singulières rouges et orange de P. flammeum et P. paulsoni, et à P. flammeum, « renaissant » périodiquement dans des genres différents.
Trilobum, du grec tri, pour trois et du grec lobos, pour lobe. Tim Faasen explique « Le lobe postérieur du prothorax de la femelle de cette espèce se distingue clairement de toutes les autres espèces du genre en étant trilobé. »
-1 von Ellenrieder, N. (2008). Phoenicagrion gen. nov. for Leptagrion flammeum, with description of a new species, P. paulsoni, from Peru (Odonata: Coenagrionidae). International Journal of Odonatology, 11, 81–93
-2 Tim Faasen (2014) Phoenicagrion trilobum, a new species of damselfly from Peru (Odonata: Coenagrionidae), International Journal of Odonatology, 17:2-3, 63-72, DOI: 10.1080/13887890.2014.893452