Ce Perissolestes sp. nov. appartient au Perilestidae, une famille très peu commune en forêt pluviale. C’est donc un moment particulier quand on en aperçoit un. Surtout aussi spectaculaire, marrron chocolat, noir, beige, orange, blanc avec des yeux verts !
Il m’a été impossible de l’identifier. Il n’existe pas, à ma connaissance, de révision moderne du genre, et la seule solution pour y parvenir est de comparer les appendices anaux des 12 espèces connues ; d’assez longues recherches m’ont permis de retrouver tous les dessins des appendices anaux de ces espèces ; aucun ne correspond vraiment. Il s’agit très probablement d’une nouvelle espèce, non décrite.
C’est ce que me confirme Jürg Demarmels, professeur à la Central University of Venezuela, descripteur de nombreuses espèces de libellules et d’autres insectes.
C’est un genre qui a été créé par Kennedy (1941) (1), qui a élevé au rang de genre un sous-groupe de Perilestes (Williamson & Williamson) (2). Ces Perilestidae (Perilestes et Perissolestes) sont caractérisés par le fait que l’extrémité distale du quadrangle, une cellule quandrangulaire de la base de l’aile, touche la marge postérieure de l’aile.
On sépare les Perilestes et les Perissolestes, comme ici, par la position de départ de la veine intercalaire IR1, qui démarre au moins une cellule avant le ptérostigma, ou avant ; ici, elle commence quatre cellules avant le bord proximal du ptérostigma. Pour les Perilestes, elle commence au niveau du ptérostigma, ou après.
On rencontre ces Perissolestes en forêt tropicale humide, ici sur la Terra Firme, dans des zones sombres et le potentiel de découverte de nouvelles espèces est important (3) dans la mesure où les individus passent facilement inaperçus dans ces biotopes difficiles d’accès. Ce sont tout de même de grands zygoptères qui mesurent entre 52 et 60 mm.
Ils se tiennent, pendant verticalement à un rameau, les ailes semi-ouvertes et l’extrémité de l’abdomen souvent recourbé dorsalement (photo 1).
Cette photo permet aussi de constater comme les ailes sont courtes.
On trouve leurs larves dans les ruisseaux forestiers et plus précisément dans leurs zones tranquilles (pools).
Perissolestes sp. nov. mâle, Pérou, San Pedro (Chino), 22/08/2023
Mes photos des appendices anaux proviennent d’agrandissement des clichés présentés… Ils permettent à priori d’éliminer toutes les espèces connues : P. castor, cornutus, remus, romulus, klugi, aculeatus, guianensis, magdalenae, remotus, paprzyckii, rupestris, et flinti.
On rencontre ce genre dans les forêts pluviales d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud, du Mexique au nord à la Guyane Française, Brésil et Pérou au sud.
Perissolestes : est formé des deux mots grecs perissos qui signifie – ajouté (er), en plus et Lestes, et par là, Williamson déclare qu’il ajoute un nouveau genre aux Lestes ou plutôt aux Lestidae.
Lestes a été créé par Leach (1815) et vient du mot grec ληστησ qui signifie voleur ou pirate, très vraisemblablement en raison de la forme des appendices anaux qui évoque le coutelas courbé des pirates.
Et non du fait de leur agilité, du fait qu’ils soient lestes, comme j’avais essayé de le démontrer ici (sans savoir d’ailleurs que c’était la théorie que défendait Paul Henri Robert dans ses « Libellules »).
Il est très intéressant de lire à ce sujet l’analyse, sans doute définitive, faite par Matti Hämäläinen & Heinrich Fliedner (4).
Perissolestes sp. nov. mâle, Pérou, San Pedro (Chino), 22/08/2023
J’ajoute une remarque à propos de sp. et sp. nov., car on m’en a demandé le sens plusieurs fois.
Sp. est l’abréviation du latin species qui signifie espèce et on utilise cette abréviation pour signifier que l’on ignore le nom d’espèce.
Nov. est l’abréviation de nova, pour nouveau et sp. nov. signifie qu’on parle d’une nouvelle espèce, d’une espèce encore jamais décrite auparavant.
1 – Kennedy Clarence Hamilton, Perilestinae in Ecuador and Peru : revisional notes and descriptions (Lestidae : Odonata), Volume 34, Number 3: Annals of the Entomological Society of America.
2 – E. B. WILLIAMSON AND J. H. WILLIAMSON, The Genus Perilestes (Odonata), UNIVERSITY OF MICHIGAN, MUSEUM OF ZOOLOGY, Miscellaneous Publications No. 14, JULY 15, 1924
3 – Damselfly Genera of the New World, Annotated Key to the Zygoptera, Rosser W. Garrison, Natalia von Ellenrieder et Jerry A. Louton, Johns Hopkins University Press, 2010
4 – Why did William Elford Leach call a small damselfly a « pirate » ? – Revisiting the etymology of the genus Lestes (Odonata: Lestidae), Matti Hämäläinen & Heinrich Fliedner, Notulae odonatologicae 10(1) 2023:8-16
5- J.C. Demarmels (1989): Odonata or Dragonflies from Cerro de la Neblina and the adjacent lowland between the Rio Baria, the Casiquiare and the Rio Negro (Venezuela) I. adults. Boletin de la Academia de Ciencias Fisicas, Matematicas y Naturales 25: 1-3