Neuraeschna harpya est un Aeshnidae spectaculaire pour ses yeux magnifiques, ses ailes à la nervation très dense (une caractéristique des Neuraeschna), ses appendices anaux de forme singulière et son abdomen curieusement marqué.
Martin (1) précise que le sujet qu’il décrit mesure 73 mm au total.
Le genre Neuraeschna (Hagen, 1867) comprend 15 espèces (3) et on le reconnaît à deux détails de la nervation, illustrés ci-dessous ; la présence de nervures transverses dans l’espace médian (ici 7), et le fait que la nervure sous-costale se prolonge au-delà du nodus.
Nous avons rencontré deux sujets, l’un, en forêt, dans un milieu dense et sombre, l’autre a été trouvé mort (mais encore très frais), dans le lodge de Tahuayo, ce qui a permis ces photos très rapprochées, ci-dessous.
Curieusement marqué d’anneaux au tiers apical des segments, l’abdomen semble constitué de très nombreuses parties, bien plus que les 10 standards ! Cette sensation est d’autant plus forte que sur ce sujet vivant, ces anneaux sont très peu colorés.
Ils sont plus jaunes ou verts sur le sujet trouvé mort.
L’identification se fait grâce au « T » sur le front et aux marques thoraciques, en particulier ce « L » à l’envers et surtout la marque brune dans laquelle s’insère une fine bande verte.
L’examen des appendices anaux, extrêmement découpés et quadrangulaires, confirme l’identification. Les appendices anaux des Neuraeschna sont toujours découpés et spectaculaires, spécialement ceux de N. dentigera.
On rencontre Neuraeschna harpya dans les forêts du bassin amazonien, de la Guyane Française au Pérou, et aux états amazoniens du Brésil.
IUCN Red List
Ce sont des espèces crépusculaires, au vol erratique, habitant des zones boisées et marécageuses.
Étymologie
Neuraeschna, du grec neura pour –nerf ou nervure et de aeschna. Aeschna est un cas particulier dans l’étymologie des noms d’odonates. Il est ici écrit dans sa version corrigée, et on a, en Europe, l’habitude de l’écrire sans « c », la version de Fabricius (1775) qui a créé le nom de genre Aeshna.
On suppose, car il ne l’a pas précisé, que Fabricius a formé ce nom depuis un mot grec signifiant défigurer ou ternir (pourquoi, c’est une autre énigme ?) ; mais Fabricius est un puriste et on ne peut expliquer cette absence de « c » que par une erreur de transcription ou une erreur typographique.
L’absence de ce « c » n’est restée la norme que pour le genre Aeshna et tous les « composés » l’ont intégré.
Neuraeschna insiste donc sur les spécificités de la nervation de cet Aeshnidae.
Harpya ; Martin ne donne aucune indication, mais on peut supposer un rapport avec Harpia harpyja, la Harpie féroce, un oiseau iconique de la forêt amazonienne par sa taille, sa puissance et sa férocité réputée. Je serais ravi d’avoir un autre avis sur cette étymologie qui ne me satisfait pas vraiment.
1- Martin, R. 1909. Aeschnines. Collections Zoologiques du Baron Edmond de Selys- Longchamps. Catalogue systématique et descriptif, 20: 157-223.
2- Belle, J. 1989. A revision of the New world genus Neuraeschna Hagen, 1867 (Odonata: Aeshnidae)
3- Ângelo B. M. Machado, Neuraeschna tapajonica sp. n. from the Amazonian region of Brazil (Odonata: Aeshnidae), 2002