Oligoclada monosticha (Borror, 1931)

Oligoclada monosticha fait partie d’un genre à nervation lâche comprenant 24 espèces, qui, sauf deux en Amérique centrale, sont confinées au bassin amazonien (1). C’est un genre très difficile, car les mâles sont (pour la plupart) virtuellement indiscernables sur le terrain (1) sans un examen de la nervation, des appendices anaux, voire des genitalia. De plus, il n’y a pas eu de révision du genre depuis 1931, époque à laquelle Borror (2) a décrit cette espèce (et d’autres). À cette date, on ne connaissait que 14 espèces.

Mais nous avons la chance que cette espèce présente des particularités qui font qu’il est possible de restreindre considérablement l’éventail des possibilités ; son thorax est parcouru de trois (ou quatre ?) bandes blanchâtres/bleuâtres et, surtout, le triangle de son aile antérieure ne se poursuit que par une seule rangée de cellules, deux caractéristiques qu’il partage uniquement O. Sylvia, comme le précise Borror. J’ai eu la confirmation, par Bill Mauffray, qu’aucune des espèces découvertes postérieurement à la publication de Borror ne présente la même nervation.

O. sylvia, le plus petit des 2, ne présente que sept veines anténodales sur l’aile antérieure (sur 4 mâles…) là où O. monosticha en compte 8 dans (sur 2 mâles et 2 femelles…), comme ici.

C’est cependant une bien faible différence.
D’ailleurs, si on compte 8 veines transverses anténodales sur l’aile antérieure droite du sujet ci-dessus, il en a 7 à gauche et celui-ci, photographié quelques minutes plus tard sur le même tronc couché, en compte 7.
Mais tous mes sujets ont 7 postnodales à l’aile antérieure, O. sylvia n’en aurait le plus souvent que 5, rarement 6.

Oligoclada monosticha mâle, Pérou, ARC (Chino), 15/08/2023

Pour rajouter au doute, je reproduis ici les descriptions du thorax de O. sylvia et monosticha traduites de Borror (2 ):
« O. sylvia : « Thorax noir métallique, traversé par quatre bandes pruineuses gris bleuté : une juste en avant de la suture humérale du mésépisternum (épisterne mésothoracique), s’étendant vers le haut presque à la crête anté-alaire ; une autre s’étendant de l’extrémité inférieure de la première suture latérale vers le haut devant le stigmate jusqu’à la crête latéro-alaire ; une autre s’étendant de l’extrémité inférieure de la deuxième suture latérale vers le haut derrière le stigmate jusqu’à la crête latéro-alaire, fusionnant avec la deuxième bande ; quatrième sur metépimeron (épimère métathoracique). »
O. monosticha : Thorax métallisé bleu-noir, traversé par trois obscures bandes grises pruineuses : une juste en avant de la moitié ventrale de la suture humérale ; une autre s’étendant de la base de la seconde suture latérale vers le haut à travers le stigmate jusqu’à la crête latéro-alaire sous l’aile antérieure, s’élargissant au niveau du stigmate (zone immédiatement
autour du stigmate noir) ; l’autre une bande étroite le long du bord postérieur de la deuxième suture latérale.

Pour moi, la description de O. sylvia correspond parfaitement à mon sujet, avec 4 bandes grises pruineuses. Cependant, plus loin, Borror écrit : « Monosticha ressembles sylvia in wing venation, it has similar thoracic cross bands« . La distinction des 3 ou 4 bandes n’aurait donc pas de valeur…

Deux autres détails ajoutent à la confusion :
– Dans sa clé, Borror précise que O. sylvia montre 2 points jaunes sur l’occiput sur la marge postérieur, ce qui semble être le cas sur mes photos (ci-dessus, et première photo ou est-ce un reflet malicieux ?), l’occiput de O. monosticha étant complètement noir.
– Le front de O. sylvia est bleu métallique dans sa moitié supérieure, jaune dans sa moitié inférieure, tandis que pour O. monosticha, il est bleu métallique avec seulement un bord inférieur de teinte brune, ce qui est manifestement le cas ici.

Oligoclada sylvia & monnosticha, Borror (2)

Si, sur ma photo, on distingue les genitalia, la partie externe de l’appareil génital secondaire, cela ne me permet pas de trancher, aucune des deux espèces ne semble convenir. L’écart entre les trois pièces anatomiques, notamment, ne semble pas convenir avec celui de ma photo.

Oligoclada monosticha étant celui rapporté par Tim Faasen pour cette région, je vais le suivre, après bien des hésitations. Mais le nombre de cellules postnodales et la couleur de la partie inférieure du front me font basculer.
Cette espèce mesure environ 29 mm pour un abdomen de 15.3 mm, en moyenne (2).

Les Oligoclada s’observent souvent sur des rivières ou des ruisseaux, en forêt ou en bordure de forêt. Ces sujets ont été photographiés au bord d’un lac, dans une zone à peine marécageuse, et il est connu que certaines espèces de ce genre préfèrent les milieux lentiques.
Ils ne se posent pas sur les rameaux, mais à plat, fréquemment sur les feuilles, et prennent en anglais le nom générique de Leafsitters.

En ce qui concerne sa distribution géographique, Borror signale que les 4 sujets examinés provenaient de Leticia, Pérou (sic).
La carte figurant sur l’IUCN montre une large tache centrée sur le sud de la Colombie amazonienne, débordant sur l’Équateur, le Pérou, le Guyana et le nord-ouest du Brésil. En réalité, il est extrêmement rare et les seules autres données que j’ai trouvées sont sur Inaturalist et proviennent de Tim Faasen et de notre équipe dans la réserve de Tamshiyacu-Tahuayo, à environ 200 km à vol de libellule de Leticia en Colombie (O. sylvia semble encore plus rare).

Étymologie
Oligoclada de deux mots grecs, oligo pour –peu, faible et klados signifiant –branche, sans doute pour la nervation lâche et réduite.
Monosticha du grec mono, –un, un seul et de stikhos, –vers, ligne, rang et simplement (!) du grec ancien monostikhos signifiant –à un seul rang. Et Borror écrit : « The name refers to the single row oll posttrigonal cells in the front wing, which distinguishes this species from all the others in the genus except sylvia » ( « Le nom se réfère à l’unique rangée de cellules posttrigonales de l’aile antérieure, ce qui distingue cette espèce de toutes les autres du genre, à l’exception de sylvia »).

1- Ângelo P. Pinto & Carlos J. E. Lamas (2011): Oligoclada mortis sp. nov.from Rondônia State, Brazil, and distributional records of other species of the genus (Odonata:Libellulidae), International Journal of Odonatology, 14:4, 291-303
2- Donald J. Borror, The Genus Oligoclada (Odonata), University of Michigan, Museum of Zoology, April 30, 1931.


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