Drepanoneura muzoni (Protoneuridae) est à la fois un genre et une espèce de création récente ; Natalia von Ellenrieder et Rosser Garrison (1) ont créé le genre pour y intégrer certaines espèces qui se séparaient des Protoneura et des Epipleoneura par certains caractères, en particulier la forme de l’épiprocte et du pénis (genital ligula). Il ne faut pas se le cacher, la taxinomie et l’identification de ces espèces rarement rencontrées est une affaire de spécialistes et de laboratoire.
Je me suis donc contenté, dans la mesure du possible, de vérifier les appendices anaux des mâles et le pronotum des femelles, en les comparant aux dessins très détaillés des deux auteurs déjà cités (1). C’est toujours une tâche difficile, car ce sont des espèces difficiles à repérer dans leur environnement sombre et donc problématiques à photographier correctement si tant est qu’on parvienne à les approcher suffisamment pour ce genre de détails.
Drepanoneura muzoni mâle, petit déjeuner tardif, Pérou, San Pedro (Chino), 24/08/2023
Actuellement, dans cette région, il n’y a que deux espèces connues ; Drepanoneura peruviensis et muzoni. Tim Faasen qui a prospecté la zone n’a rencontré que le second et il semble bien que ce soit effectivement cette espèce que nous avons aussi contactée.
Je ne fais pas voir mes photos des appendices anaux qui nécessitent un grossissement trop important.
Noter la pauvreté de la nervation (une caractéristique commune à tous ces Epipleo, Epipoto, Drepano et Proto-neura), le petit ptérostigma quadrilatère et épais, et la forme aiguë, non arrondie, de l’apex de l’aile.
C’est une espèce de ruisseaux forestiers, mais il est à noter que nous étions alors sur la Terra Firme et non plus sur les zones inondées une partie de l’année.
Il mesure en moyenne 33.9 mm (1).
Sa distribution se limite (actuellement) à quelques rares signalements éparpillés, sur le versant est de la cordillère, de l’Équateur au sud du Pérou (très disséminés !).
IUCN Red LIst
Drepanoneura muzoni mâle, Pérou, San Pedro (Chino), 24/08/2023
Sur le même site, nous avons pu photographier une femelle dont le pronotum ressemble bien à celui montré sur les planches de von Ellerieder et Garrison. Très à l’ombre, le flash a agrémenté les photos de reflets originaux…
Ci-dessous, deux photos quasi identiques sur deux supports différents, mais celle de droite permet de mieux voir l’extrémité pointue de l’ovipositeur, ce qui différencie cette femelle de D. peruviensis.
Ci-dessous, un gros plan très agrandi du pronotum et de la plaque mésostigmal (juste en arrière du pronotum) de la femelle, à comparer avec les dessins plus bas (clic !). On note la forme nettement en « v » inversé, on devine également, à gauche, une des deux épines divergentes (vl).
Les auteurs expliquent l’étymologie du nom de genre et d’espèce.
Drepanoneura : Latinisé du grec drepanon signifiant « faucille » faisant référence à la forme des cerques mâles – et du grec neura (nerf ou nervure), un suffixe commun pour les genres de Protoneuridae.
Muzoni : « Nous nommons cette espèce muzoni (nom au génitif) en l’honneur de notre bon ami et collègue Javier Muzón, en remerciement pour avoir présenté l’auteur principal à l’odonatologie et pour son aide continue au cours de nos études, et en reconnaissance de ses contributions à la connaissance des Odonates néotropicaux. »
1- Natalia von Ellerieder et Rosser W. Garrison, Drepanoneura gen. nov. for Epipleoneura letitia and Protoneura peruviensis, with descriptions of eight new Protoneuridae from South America (Odonata: Protoneuridae), Zootaxa 1842: 1–34 (2008)