J’avais d’abord titré cet article « Epipleoneura ocuene » (Coenagrionidae), c’est ainsi que nous l’avions appelé sur le terrain. Epipleoneura est un genre rarement contacté, difficile et il faut comparer les appendices anaux pour les identifier. Malheureusement, je n’ai pas de photo correcte des derniers segments.
Jürg Demarmels m’a très gentiment adressé son ouvrage ou il décrit cette espèce (1) et ce que je peux comparer des appendices anaux avec mes photos me laisse peu de doute, car rien ne ressemble aux cerques (5) redressés de son dessin sur ma mauvaise photo. De plus, ce n’est pas la seule espèce contactée dans cette zone, Epipleoneura lamina est aussi présent.
Epipleoneura sp., appendices anaux, Jürg de Marmels (1) & Pérou, ARC (Chino), 16/08/2023
Et la forme des appendices anaux de cette dernière espèce est certainement plus compatible avec ma photo, qui manque cependant trop de netteté pour permettre une identification certaine ; il pourrait s’agit d’une autre espèce, non encore répertoriée dans cette zone, ou même d’une espèce inconnue. On en restera à Epipleoneura sp.
Epipleoneura lamina, PABLO PESSACQ (2) & E. sp., Pérou, ARC (Chino), 16/08/2023
Les espèces du genre Epipleoneura (une trentaine d’espèces, actuellement) mesurent entre 31 et 37 mm. Et heureusement que j’ai eu cette référence, car je l’aurais cru beaucoup plus long, sans doute en raison de l’extrême finesse de son abdomen. Leur taille et leur coloration expliquent qu’ils passent facilement inaperçus dans la pénombre de la forêt marécageuse où nous avons observé ce sujet. C’est un genre exclusivement sud-américain et beaucoup d’espèces ont été décrites au Venezuela.
Je ne suis pas capable non plus de montrer ce qui explique que Williamson (1915) (4) a procédé à une division des Protoneura en 4 genres sur des critères de nervation, qui nécessitent la capture et le laboratoire pour être mis en évidence.
Les Epipleoneura ont également un caractère unique (3) ; l’épiprocte des mâles et femelles est plus long que large. Mais il est encore plus difficile de le montrer. Pour situer la difficulté des photos en forêt, sans capture, il s’agit de pièces anatomiques qui mesurent de l’ordre de 1/4 de mm, et qui, en Europe, n’attirent pas l’attention.
Un schéma de mes amis B. Piney et R. Krieg-Jacquier (5) montre en -3- où se situe l’épiprocte d’un zygoptère.
Epipleoneura, du grec epipleo qui signifie –voyager sur l’eau, naviguer et du grec neuron puis du latin neura pour nerf, veine, ou… nervation, utilisé dans la création de très nombreux genres.
Lorsque Williamson crée ce nom de genre en 1915, il invente aussi le genre Psaironeura et Epipotoneura, et il écrit, sans plus de précision pour chaque genre : »The new generic names are suggestive of the manner of flight of these insects. (Les nouveaux noms de genre sont inspirés par la façon de voler de ces insectes) ».
1- De Marmels, J. (1989) Odonata or dragonflies from Cerro de la Neblina. Academia de las Ciencias Fisicas, Matematicas y Naturales, Caracas, Venezuela, 25, 1 – 78, p 20.
2- Synopsis of Epipleoneura (Zygoptera, Coenagrionidae, “Protoneuridae”), with emphasis on its Brazilian species, PABLO PESSACQ, Zootaxa 3872 (3) : 201–234, 2014
3- Damselfly Genera of the New World, Annotated Key to the Zygoptera, Rosser W. Garrison, Natalia von Ellenrieder et Jerry A. Louton, Johns Hopkins University Press, 2010
4- Williamson, E.B. (1915) Notes on neotropical dragonflies or Odonata. Entomological news, 27, 30–33.
5- Bertrand Piney & Régis Krieg-Jacquier, « Nomenclature française des appendices anaux des imagos et larves d’odonates : pour l’abandon du terme « cercoïdes » », Martinia 38 (1) : 1–19, 2024/01