Metaleptobasis paludicola (Coenagrionidae) est le troisième de ce genre que nous rencontrons dans la réserve de Tamshiyacu-Tahuayo qui en recèle 6, parmi les 32 décrits ! Ils portent tous des épines sur la partie toute antérieure du mésépisterne (ou épisterne méso thoracique), plus ou moins longues et d’orientations diverses en fonction des espèces. Ces épines participent à l’identification, associées, comme bien souvent, aux appendices anaux.
Natalia Von Ellenrieder a publié une révision du genre(1) en 2013, un travail énorme de 155 pages, d’une précision incroyable, qui montre que même les appendices anaux sont dans une certaine mesure variables ; elle base son travail d’entomo-odonatologie sur l’examen des ligula, ce qui pourrait correspondre au pénis, mais montre des dessins précis de la tête en vue supérieure, du thorax, du pronotum en vue dorsale et latérale, des appendices anaux en vue dorsale de trois-quart, des derniers segments des femelles, pour chaque espèce !
J’ai donc essayé de photographier les appendices anaux pour chaque Metaleptobasis rencontré, ce qui n’est pas vraiment facile, car il faut s’approcher vraiment très près si on ne veut pas les capturer. Ci-dessus, à droite (clic sur la photo !), ce sont bien les appendices anaux du mâle de gauche, que j’ai volontairement retourné pour faciliter la comparaison avec les dessins de Natalia Von Ellenrieder (1) :
On note une différence essentielle avec ces dessins, le fait que les cerques sont jointifs (je rappelle que ce sont des pièces mobiles). D’où l’intérêt de comparer également les épines mésépisternales des autres Metaleptobasis dont les derniers segments ne sont pas rouges, en particulier ceux de M. spatulata et turbinata, présents dans cette zone. Celles de ces derniers sont très faibles ou à peine redressées et émoussées, alors que celles de Metaleptobasis paludicola sont très verticales et acérées.
Noter aussi l’incision de la partie terminale du 10° segment, absente pour les autres espèces (bien visible sur la dernière photo).
Le mâle mesure en moyenne 45 mm.
Nous les avons rencontrés en forêt marécageuse dans des zones sombres, perchés entre 30 et 60 cm sur la végétation, en dehors des « sentiers ».
Il n’est connu que de deux zones, celle où nous l’avons trouvé, le département de Loreto au Pérou et dans l’état Amazonas au Brésil. Mais il est des zones gigantesques qui n’ont jamais été prospectées et révèleront sans doute bien des surprises et de nouvelles espèces.
IUCN Red List
Cette photo m’a fait regretter de ne pas avoir eu la chance de les voir de face, car j’ai la surprise en les observant de très près, de constater la richesse des dessins verts qu’ils portent sur la tête.
De plus, en agrandissant la photo, on constate que l’épine de droite est tordue et que les deux semblent aplaties, pour je ne sais quelle raison.
À proximité immédiate de ces mâles, nous avons rencontré une femelle ; je n’ai pas la preuve qu’elle appartienne à la même espèce, mais c’est très vraisemblable, elle ne porte pas non plus de rouge sur la face dorsale des derniers segments.
Metaleptobasis (Calvert, 1907), du grec meta, signifiant -au-delà, à côté, avec et de Leptobasis, un genre créé par Selys en 1877, pour signifier que ce nouveau genre est proche de Leptobasis. Ce dernier genre doit son nom à deux mots grecs, λεπτός, pour fin, mince, et βάσις, pour base, pour souligner l’étroitesse de la base de l’aile, qui est dite pétiolée (2). Selys y avait regroupé tous les zygoptères présentant des ailes pétiolées et devant la découverte de nouveaux spécimens, il a été nécessaire de diviser ce genre en affinant la nervation.
Paludicola est expliqué par Natalia Von Ellenrieder (1) : « du Latin paludicola (adjectif) signifiant habitant dans les marais ou marécages, en référence à l’habitat ou l’holotype a été trouvé ».
1- A revision of Metaleptobasis Calvert (Odonata:Coenagrionidae) with seven synonymies and the description of eighteen new species from South America, NATALIA VON ELLENRIEDER, Zootaxa 3738 (1): 001–155, Copyright © 2013 Magnolia Press
2- The Scientific Names of North American Dragonflies, Heinrich Fliedner, Ian Endersby – Busybird Publishing 2019