Rambur a créé le genre Uracis mais a décrit Uracis infumata sous le nom de Libellula infumata dans son « Histoire Naturelle des Insectes Névroptères » en 1842. Il ne donne pas sa taille (il manquait une partie de l’abdomen), et pas de détail sur son mode de vie, seulement sa « patrie » d’origine, le Brésil.
Dans Calvert, « Contribution to a Knowledge of the Odonata of the Neotropical Region Exclusive of Mexico and Central America » qui fournit une première clé des Uracis, on lit que son abdomen mesure 25 mm, soit qu’il atteint une longueur totale d’environ 36 mm.
Nous les avons rencontrés dans une zone marécageuse, en forêt, à peu de distance d’un petit ruisseau sur lequel se trouvait un autre infumata, mais cette fois Argia infumata. Ils se reproduisent en principe dans les mares temporaires.
L’identification pourrait paraître simple avec ces ailes si largement tachées.
En fait, l’étendue de la coloration alaire est très variable, parfois totalement absente, parfois s’étendant d’avant le nodus jusqu’au ptérostigma, parfois jusqu’à l’apex. Certaines de ces variations peuvent ressembler à celles à d’autres Uracis, particulièrement à Uracis siemensi, aussi présent.
Uracis infumata mâle, variation des ailes, Costa & Santos (1)
S’il y a un doute, il faut compter les nervures transverses dans l’espace cubital de l’aile antérieure ; 5 à 7 pour Uracis infumata, 2 à 4 pour U. siemensi (1).
Ci-contre, le détail d’une aile de Uracis infumata et ses 6 « crossveins« .
Pour m’y retrouver dans les clés proposées, j’ai réalisé cette petite synthèse (il y manque U. turrialba, mais il n’est présent qu’au Costa Rica) :
Leurs appendices anaux sont blancs et ils portent des motifs clairs sur l’abdomen ; malheureusement, ceux de U. siemensi sont à peu près identiques.
Remarquer l’extension de la coloration alaire jusqu’à l’apex pour le sujet de gauche. Noter aussi le petit point rouge, juste au-dessus de la patte antérieure droite : c’est certainement un parasite, un hydracarien.
Uracis infumata mâle, Pérou, ARC (Chino), 17 et 19/08/2023
Les mâles immatures ou jeunes, les femelles portent des motifs thoraciques tout à fait particuliers qui leur sont uniques sous forme de brèves lignes parallèles claires produisant presque un effet de « grain de bois » (2).
On rencontre l’espèce sur tout le bassin de l’Amazone, y compris en Guyane Française, même si cela ne figure pas dans le document ci-dessous.
IUCN Red List
Après hésitations, je ne propose finalement que cette seule photo de femelle ci-dessous, la seule dont le motif alaire assure son appartenance à l’espèce. Après examen minutieux de la nervation de toutes les femelles aux ailes hyalines, je les ai toutes classées avec les femelles U. siemensi.
Et c’est bien dommage, car ces femelles Uracis sont intéressantes ; elles présentent une plaque sous génitale appelée pseudo-ovipositeur qui leur permet, en sautant verticalement à la façon de nos femelles Cordulegaster, de planter leurs œufs dans la boue des mares ou la berge des ruisseaux (2).
Uracis du grec oura pour queue et de akis signifiant aiguille. Ceci en référence aux derniers segments étirés de la femelle et à la plaque sous génitale déjà citée. Rambur la décrit lorsqu’il crée le genre et très en détail pour la première espèce qu’il place dans le genre, nommée U. quadra (futur U. imbuta). Voici ce qu’il écrit à propos de ce nouveau genre : « bord vulvaire prolongé en une longue pointe canaliculée dépassant l’anus, accompagné d’un prolongement semblable du segment suivant, qui présente une petite carène pour s’engrener dedans. »
Pour expliciter, je montre ici les derniers segments de la femelle Uracis fastigiata.
Infumata,du latin infumare, –sécher à la fumée ou enfumer, en rapport bien sûr avec la coloration fumée des ailes.
-1 Intra-and interspecific variation in the genus Uracis Rambur, 1842, with a key to the known species (Anisoptera: Libellulidae), Odonatologica 26(1) : 1-7, March 1, 1997
2- Dragonflies and Damselflies of Costa Rica, Dennis Paulson & William Haber, 2021