Anomisma abnorme (McLachlan, 1877)

Anomisma abnorme femelle, Pérou, près de Estación Biológica Quebrada Blanco, 22/08/2023
Anomisma abnorme femelle, Pérou, près de Estación Biológica Quebrada Blanco, 22/08/2023

Le 22 août, Anomisma abnorme n’était pas notre seule cible. Très tôt, nous avons pris les pirogues pour remonter le Rio Blanco, où certains passages se sont avérés un peu scabreux en raison du manque d’eau. Après trois heures de navigation, nous atteignons enfin la Terra Firme, la terre ferme, la zone de la forêt qui n’est pas sous l’eau plusieurs mois de l’année. Et c’est un plaisir de ne plus marcher dans la boue, de ne pas enfoncer les bottes entre les racines et les branches qui pourrissent au sol !
Nous sommes tout de suite accueillis par un Denticulobasis sp. et un magnifique Dendrobatidae endémique de cette petite zone, Ranitomeya flavovittata.

Vers 10 heures 30, après avoir rencontré d’autres nouveautés, nous tombons en arrêt devant cette magnifique femelle Anomisma abnorme (Coenagrionidae) ; son nom est déjà toute une aventure. Il n’y a qu’une seule espèce dans le genre. Nous n’avons pas rencontré de mâle.
À leur apex, les ailes postérieures portent des marques noires et jaunes alors que les antérieures sont décorées d’une petite touche blanchâtre (noire pour les mâles semble-t-il). Il n’y a pas de ptérostigma.

Si on a créé un genre pour cette espèce, c’est qu’elle présente des singularités uniques que malheureusement mes photos ne permettent pas de voir ; l’aile est pétiolée jusqu’au nodus et le quadrilatère, zone de la base de l’aile, est traversé de 2 nervures, fait unique pour les Coenagrionidae.

Anomisma abnorme femelle, Pérou, près de Estación Biológica Quebrada Blanco, 22/08/2023

Mc Lachlan a décrit cette espèce à partir d’un sujet abimé auquel il manquait l’abdomen au-delà du 6° segment : il nous dit que ce qu’il reste de l’abdomen mesure 47 mm. Mes mesures permettent de dire que la longueur totale de l’insecte est d’environ 71 mm pour une aile postérieure de 50 mm avec une largeur maximale de 10 mm.

Son habitat est la forêt humide et dense, ici toutes les photos sont faites avec un flash. La longueur de l’abdomen permet de supposer que la femelle pond, comme d’autres espèces, dans des cavités remplies d’eau par les pluies, dans les arbres.
On rencontre Anomisma abnorme dans l’extrême sud du Venezuela, en Colombie, en Équateur, et dans le nord-ouest du Pérou.
IUCN Red List
Limitée à la forêt pluviale dense, l’espèce est rarement contactée ; avant nos données, il y avait 5 observations sur Inaturalist entre 2014 et 2023.

Pour le nom de genre Anomisma, McLachlan ne donne aucune indication. Un nomisma (d’où vient d’ailleurs le terme « numismatique ») est une monnaie d’or Byzantine. Mais, nomisma qui signifie en grec « Toute chose reçue et réglementée par l’usage ou la loi « , vient lui-même grec nomos qui signifie « Toute chose établie, toute chose acceptée par l’usage, une coutume, une loi, un commandement » (comme une monnaie). Avec le « a » privatif, c’est sans doute une première indication que ce Coenagrionidae échappe à la loi ou l’usage par sa nervation.
Abnorme, du latin abnormis, signifie non conforme à la règle et s’applique certainement à la nervation du quadrilatère.

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