J’ai observé cette émergence d’Ischnura elegans sur la petite mare artificielle de mon jardin alors que j’avais encore un Apn qui n’était pas vraiment fait pour photographier les odonates. Mon bassin n’était alors peuplé que de quelques petits poissons qui ne menaçaient pas trop les larves et j’y ai observé de nombreuses émergences de Zygoptères et d’Epiproctophores (ex-anisoptères).
Une feuille de nénuphar est un endroit idéal pour observer une émergence, malheureusement, je ne suis pas arrivé au tout début, lorsque le thorax de l’individu déchire le thorax de l’ex-larve, juste en avant des fourreaux alaires. La place choisie, en pleine vue, est peu commune. Ils émergent plus souvent à l’abri d’une touffe de joncs ou autres, cachés d’éventuels prédateurs.
Extirper son abdomen de l’exuvie n’est pas forcément facile et j’ai vu des sujets dont l’abdomen est resté coincé à l’intérieur, se promenant, difficilement, avec leur dépouille larvaire. Autant dire qu’ils sont condamnés.
À ce stade, il est encore difficile de donner l’identité de ce zygoptère.
Mais, dès les photos ci-dessus, on devine une différence de coloration de la face supérieure du 8° segment abdominal. Et comme la coloration ne touche que ce segment, on peut déjà être certain d’assister à la « naissance » d’un Agrion élégant.
Noter sur la photo de droite ci-dessus, le fil blanc qui unit encore l’individu émergent et son exuvie ; il s’agit d’une des trachées, un conduit, chargé d’apporter de l’air directement aux organes de la larve, les libellules n’ont pas de poumons.
Notre jeune individu a décidé de se dérouiller les pattes, il n’a pas pu aller bien loin, étant entouré d’eau.
Noter la spectaculaire évolution des ailes, qui précède celle de l’abdomen, entre les photos 5, 6 et 7.
Remarquer également la tache verte sur les ailes des photos 7 et 8 ; car si les libellules n’ont pas de poumons, leur sang, que l’on appelle hémolymphe, ne transporte pas d’oxygène, mais il joue un rôle essentiel lors de l’émergence, car sa mise sous pression permet l’expansion des structures. Parfois, comme ici, une nervure brisée laisse échapper ce liquide.
À 13 heures 50, l’abdomen s’est considérablement allongé, la coloration du thorax s’affirme et les taches postoculaires sont apparues. J’ai dû abandonner l’observation alors que ce jeune Ischnura elegans n’était pas encore tout à fait prêt à s’envoler, on devine ses ailes encore trop molles. Quelques dizaines de minutes de soleil achèveront la polymérisation de sa cuticule et le durcissement de ses ailes.
Quand je suis revenu, cinq heures plus tard, il avait bien sûr disparu.