J’avais déjà rencontré Erythrodiplax unimaculata à quelques centaines de kilomètres de là, en Colombie. Les mâles étaient tout à fait identiques, mais les femelles toutes androchromes, ce qui n’est pas le cas de celles que j’ai vues au Pérou.
La majeure partie des segments abdominaux est bleue (pruinosité), pour les sujets matures, mais l’étendue de la coloration noire des derniers segments est variable ; à gauche, ci-dessus, de S7 à S10 pour un sujet mature qui ne semble pas vieux (yeux encore marron), à droite S8 seulement à S10 pour un sujet un peu plus âgé.
L’identification ne pose cependant pas de problème pour les mâles matures en raison des taches basales alaires très étendues, qui aux quatre ailes atteignent les bords antérieurs et postérieurs.
Noter les 2 points noirs pairs qui paraissent constants sur la face dorsale des segments abdominaux.
Marcel Wasscher dans son « Tabel voor de libellen van Suriname » lui donne une taille variant de 30 à 36 mm.
Il est plus commun dans les aires un peu ouvertes, les clairières en forêt, dans les trouées de soleil, près de mares ou marais, peut-être également des parties lentes ou mortes des ruisseaux ou rivières.
L’espèce est largement répandue en Amérique centrale et dans le nord de l’Amérique du Sud, jusqu’au nord-est de l’Argentine. Elle est présente en Martinique et en Guyane française.
IUCN Red List
Les femelles sont très variables en fonction de leur âge, ci-dessous une immature : noter la lame vulvaire saillante et les dessins abdominaux que l’on rencontre chez de nombreux Erythrodiplax femelles ou mâles immatures, comme en particulier E. fusca ou fervida.
Puis une femelle en cours de maturation, ce qui lui donne une singulière apparence. La base des ailes s’est agrémentée d’un patch sombre et les parties claires de l’abdomen sont partiellement envahies de pruinosité bleue. Cette femelle deviendra vraisemblablement androchrome, comme celles que j’ai rencontrées en Colombie.
La plus étonnante est ce sujet âgé ci-dessous que j’ai eu du mal à identifier. Si son appartenance au genre Erythrodiplax ne pose pas de question, j’ai été perturbé par le manque de tache alaire basale. Mais on aperçoit sa lame vulvaire saillante et on distingue même les taches particulières de l’abdomen à travers cette curieuse pruinosité plus grise que bleue. On note également l’apex des ailes légèrement teinté.
En regardant toutes les photos sur Inaturalist, j’ai effectivement trouvé d’autres femelles vieillissantes de cette espèce sans taches alaires. Il semblerait donc que cette tache disparaisse avec l’âge…
Erythrodiplax (1) (Brauer, 1868) du grec erythro, signifiant rouge et de diplax. Diplax (1840) est un nom de genre donné par Charpentier, formé par un préfixe signifiant deux ou double – et plax qualifiant quelque chose de plat, en accord avec la forme de la partie postérieure du pronotum présentant 2 structures semi-circulaires.
Charpentier ignorait que Newman avait déjà décrit ce genre sous le nom de Sympetrum (1833), et longtemps le genre Diplax est resté en usage ; aussi quand on a commencé à scinder ce genre, on a conservé le terme diplax dans des noms composés.
Pourquoi avoir qualifié ce Diplax de rouge ? L’explication est pour moi assez confuse ; disons que Kirby a retenu Erythrodiplax corallina, presque totalement rouge, comme l’espèce type du genre Erythrodiplax.
Unimaculata du latin uno, pour un, une et de maculatus signifiant, marqué, tacheté, ceci pour souligner le fait qu’à distance, se poursuivant d’une aile à l’autre, la tache alaire semble unique.
En anglais, il est nommé White-tailed dragonlet, et il est vrai qu’on retient à distance son abdomen très clair qui contraste avec son thorax et ses ailes sombres.
1 – The Scientific Names of North American Dragonflies, Heinrich Fliedner & Ian Endersby, Busybird Publishing, 2019.