Nous avons rencontré Antipodogomphus proselythus, Spinehead dragon, 4 fois, 3 mâles et une femelle dans la même matinée et sur le même lieu ; il n’y pas eu d’autres rencontres, ce qui témoigne de la rareté de cette espèce ou de la rareté des habitats lui convenant ; il s’agit cependant d’un biotope classique pour un Gomphidae, une rivière assez large et moyennement rapide, quelques rochers dispersés dans l’eau, avec des zones enherbées ou boisées sur les rives.
Tous ces sujets étant jeunes, leur apparente rareté n’est peut-être finalement due qu’à la « précocité » de nos observations…
C’est un très beau Gomphidae aux couleurs bien classique que l’on identifie par son motif thoracique bien caractéristique, mais pourtant un peu variable : sur une vue de face, on note un assez classique « 7 » à l’envers bordé latéralement par une bande antéhumérale noire présentant 2, ou 3 points jaunes, le 3° étant souvent partiellement ouvert. Ce que je décris est ce que l’on constate sur les sujets trouvés sur le Web, mais se différencie assez nettement du document de Fraser ci-dessous qui voit ces Gomphidae très sombres, très noirs, alors qu’ils nous apparaissent jaunes et lumineux.
L’absence du « h » dans proselytus, et également dans le nom d’espèce acolytus (un autre Antipodogomphus), dans le document de Fraser était, à l’époque, bien orthographié ; Sélys avait effectivement décrit et nommé ces espèces de cette façon. Ce serait Martin, en 1901, qui ne comprenant pas la subtilité de Sélys, aurait confondu la signification de acolytus le traduisant en disciple au lieu de suivant, dans le sens de celui qui vient après. Sélys aurait en effet nommé d’abord proselytus signifiant celui qui arrive, suggérant un nouvel ajout au Gomphidae australien, puis acolytus, désignant simplement le fait qu’il est ajouté après le premier… Si le « h » pouvait se justifier dans acolytus, il ne le pouvait pas dans proselytus et Martin aurait commis un laspus calami qui nous est resté. C’est l’hypothèse qu’en donne Ian Endersby (1).
Notez ci-dessous les auricules de ce mâle, bien visibles en forme de pointe sur le thorax, sous les ailes droites, ainsi que la façon dont est naturellement tenu l’abdomen, en flexion. On remarque également les yeux vraiment clairs qui indiquent que le sujet est jeune.
Il est endémique d’Australie et même de l’est du Queensland, du nord au sud, tout au long de la zone côtière.
Les femelles présentent le même motif thoracique et abdominal :
Le genre Antipodogomphus (1) a été créé par Fraser pour inclure 2 Austrogomphus dont la nervation et le pénis ne se retrouvaient chez aucun autre Gomphidae australien, et donc pas chez les autres Austrogomphus. Antipodo vient d’un mot grec signifiant diamétralement opposé, bien sûr ici par rapport à la position de la terre et… d’un point de vue européen, pour signaler sa localisation australienne. Gomphus vient, lui, d’un mot grec qui signifie cheville ou boulon, en référence à la forme de l’abdomen (de la plupart des espèces), qui ressemble à une cheville pour assembler les bateaux.
Les Australiens l’appellent Spinehead dragon, car mâles et femelles (surtout les femelles) portent une rangée d’épines minuscules à la partie postérieure de l’occiput ; elles sont vraiment minuscules sans doute, puisqu’aucune de mes photos ne permet de le constater.
-1- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird publishing.