J’ai observé cette scène de prédation par Ischnura heterosticta pendant 37 minutes et la première photo que je montre n’est pas vraiment la première de la scène. La femelle Austroagrion exclamationis était à pondre sur ce nénuphar, et j’ai été surpris de voir littéralement tomber dessus un autre odonate ; j’ai cru à un mâle venant enlever une femelle en ponte pour s’accoupler. La scène a été remuante, et les premières photos ne sont pas nettes.
Pendant 2 minutes, les protagonistes se sont déplacés sur plusieurs supports, mais le mâle I. heterosticta a réussi à immobiliser la femelle A. exclamationis sur une petite branche morte au-dessus de l’eau (clic sur les photos).
Les photos sont bien sûr dans l’ordre où l’action s’est déroulée.
Le mâle a commencé à dévorer sa proie, à la partie toute antérieure du thorax, respectant semble-t-il la tête. Un Diplacodes bipunctata est venu se poser, d’abord derrière le mâle, décollant et se reposant plusieurs fois pour tenter certainement d’attraper des proies en vol, pour finalement venir s’installer juste devant le prédateur, comme s’il était intéressé, lui aussi, par le spectacle ; j’ai même pensé un instant qu’il convoitait la proie.
Sur la photo ci-dessous à droite, on remarque que la tête… ne tient plus qu’à un fil.
Et effectivement, quelques secondes plus tard, elle est tombée à l’eau. Il a fallu exactement 9 secondes pour qu’un Gerridae, Limnogonus fossarum ssp. gilguy, vienne s’en délecter ; ils s’y mettront à 2 plus tard.
Le pronotum et la première paire de pattes sont restés attachés à la tête.
À droite, le thorax est complètement dévoré, une patte s’en échappe sinistrement.
Au centre Limnogonus fossarum ssp. gilguy, Gerridae, dévorant la tête d’une femelle A. exclamationis, même lieu et date
Ce n’est pas facile de manger un abdomen qui fait la 3/4 de la longueur du sien en restant en équilibre sur une branche ! Ischnura heterosticta, 34 mm, est tout de même beaucoup plus grand que cette femelle Austroagrion exclamationis de 25 mm.
Le Diplacodes bipunctata est revenu, et comme moi, il a dû s’approcher pour mieux voir ce qui restait de la victime 😱 ; à droite, dans les pattes antérieures de l’attaquant, il ne reste plus grand-chose, on devine parfaitement la valve de l’ovipositeur et son stylet brun foncé.
On ne peut que rester ébahi devant un tel appétit ; la petite femelle A. exclamationis a été entièrement dévorée en 37 minutes, en tout cas l’intégralité du thorax et de l’abdomen. Il n’y a sans doute pas beaucoup d’animaux capables de manger près des 3/4 de leur propre poids en si peu de temps !
La dernière photo montre l’extrémité finale de l’abdomen puisqu’on distingue, dépassant à peine de sa bouche, 2 minuscules filaments qui sont les palpes de l’ovipositeur.