Quand on a déjà rencontré un représentant de ce genre, il n’est pas difficile à identifier. Que ce soit Ictinogomphus ferox en Afrique, ou Ictinogomphus decoratus ou pertinax en Asie, ils exhibent tous des expansions ventrales sur le 8° segment et de longs appendices anaux. Pour faciliter les choses, si en Australie il y a 3 Ictinogomphus, il n’y en a qu’un seul dans le Territoire du Nord, le bien nommé, Ictinogomphus australis.
Ce sont grands odonates qui semblent lourds et qui ont la réputation d’être voraces même pour les autres odonates.
Il mesure environ 70 mm de longueur totale pour 100 mm d’envergure.
Le statut des Ictinogomphus est encore incertain et ils hésitent encore entre la famille des Gomphidae et celle des Lindeniidae.
Ils aiment se percher sur une tige émergente ou un rameau en limite de rive des mares, étangs ou rivières, pour surveiller leur territoire et font des vols brefs pour capturer une proie avant de revenir se poser. Je les avais toujours trouvés faciles à approcher, mais cela n’a pas été le cas dans le Territoire du Nord, surtout pour les femelles dont je n’ai qu’une photo correcte.
Comme les 2 autres espèces, Ictinogomphus australis est endémique d’Australie ; son aire de distribution le limite au nord de l’Australie occidentale et du Territoire du Nord, aux régions côtières (nord et est) du Queensland, et à la frange est de la Nouvelle-Galles du Sud.
Les femelles, beaucoup plus rarement vues, ont des expansions ventrales moins spectaculaires, mais présentent les mêmes motifs thoraciques et abdominaux. Les appendices anaux sont plus courts, plus écartés et la photo ci-dessous permet d’apercevoir la lame vulvaire sous le 9° segment. Le 2° segment ne montre, bien sûr, aucune saillie inférieure.
Le 3 mai, nous avons eu la chance de pouvoir longuement observer plusieurs magnifiques Guêpiers arc-en-ciel, Merops ornatus, chassant et se posant à quelques dizaines de mètres de nous, de l’autre côté d’une rivière que nous prospections. Chaque vol n’était pas couronné de succès, mais nous avons été plutôt vexés de constater qu’ils réussissaient à trouver des espèces que nous n’avions pas vues ce jour, comme ce mâle Ictinogomphus australis ! Malheureusement, la scène s’est déroulée bien loin pour mon 150 mm Macro, même en y ajoutant un multiplicateur 1.4.
Un peu d’étymologie grâce à Ian Endersby (1)
– Ictinogomphus est intéressant, car Rambur a créé le genre en 1842 sous le nom d’Ictinus. Il ignorait (le Web était incomplet et très lent à l’époque) que ce nom était déjà utilisé pour un coléoptère et un oiseau. Ce genre d’erreur est censée ne plus arriver, on a mis en place des institutions qui veillent au grain. Cowley en 1834 a rectifié et créé le genre Ictinogomphus.
Il a combiné le nom original Ictinus avec gomphus. Ictinus vient d’un mot grec signifiant cerf-volant et Fliedner (2007), qui a apporté une aide précieuse à l’étymologie des odonates, pense que la très large taille de cet odonate a inspiré ce nom. Cependant, et je suis tout à fait de cet avis, Ian Endersby insiste sur le rôle des expansions ventrales du 8° segment qui auraient pu suggérer ce nom de genre : et d’ailleurs dans la description originale, Rambur ne peut manquer de les mentionner : « Abdomen ayant une dilatation au bord latéral du huitième segment en form (sic) d’écaille ou de membrane large, noire, semblable dans les 2 sexes (ce que je ne valide pas, je pense que les expansions des mâles sont plus larges) « .
– australis, latin Auster, pour sud, comme dans austral ou… Australie.
-1- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird publishing.
Garcia Hélios, prof retraité de Fr résidant en Espagne à Vera (Andalousie)
Bonjour, vos photos sont superbes (et les textes les accompagnant très instructifs). J’ai été très content de les découvrir car en décembre 2018 nous sommes allés en Australie pour voir un de nos fils résidant à Brisbane et cela m’a rappelé mes sorties à pied, au lever du soleil autour de de quelques plans d’eau…
J’ai découvert, si je puis dire les libellules de manière fortuite en 2012 lors de mes ballades autour de Vera et depuis mon intérêt pour ces insectes reste intact. En ce moment volent les derniers S.sinaiticum, S.striolatum, fonscolombii, C.viridis… Comme la géologie, les fossiles et la préhistoire mangeaient tout mon temps, depuis quelques semaines, avant qu’il ne soit trop tard, je me suis mis à revoir mes photos de libellules, pour en laisser des traces sur mon blog (echino.wordpress.com) .
C’est un beau début, très pédagogique, continuez !