Agriocnemis rubricauda, le Red-rumped wisp, est endémique d’Australie où sa distribution le limite au nord du Territoire du Nord, au Nord et au Sud du Queensland, le long de la côte.
La base de données de « Atlas of living Australia » recense 112 contacts à ce jour, contre 840 pour A. pygmaea, ceci pour donner une idée de sa rareté.
D’ailleurs si mes photos indiquent 3 dates différentes toutes les photos, sauf une, ont été réalisées sur le même site, à 2 ou 3 mètres de distance. Il s’agit d’un petit ruisseau, très peu profond, envahit d’herbes, qui coupe le chemin. Il n’y a pas d’ombre sur ce ruisseau, mais comme les photos ont été faites vers 8h30 le soleil est encore bas et les Agriocnemis (minima et rubricauda) sont à la fois dans l’ombre et la lumière, ce qui pose des problèmes pour faire des photos correctes…
Il est minuscule et Tillyard dans sa description originale (1) lui donne une longueur totale de 20.5 mm. En principe (un de nos compagnons sourira sans doute à la lecture de cette remarque : nous sommes retournés le lendemain matin sur le site où il l’avait photographié et pris pour un A. pygmaea un peu différent), il est facile à identifier avec ses segments abdominaux 7 à 10 flamboyants, ce qui le distingue de tous les autres Agriocnemis Australiens.
Il faut aussi noter ses ptérostigmas tous jaunâtres, ce qui le différencie de A. pygmaea (jaunâtres aux ailes antérieures, sombres aux postérieures) et de A. dobsoni (tous sombres). Mais croyez-moi, ce critère n’est pas évident sur le terrain, sans capture, car si la bête mesure 20 mm, le ptérostigma n’atteint pas le demi millimètre !
Pour l’étymologie de son nom (2):
– Agriocnemis, du grec Agrios- sauvage, vivant dans les champs et Knemis – jambière ou legging, comme pour nos Platycnemis Européens. D’ailleurs Selys croyait les genres étroitement proches au regard des tibias, ce que je ne constate absolument pas. Ceux des Agriocnemis ne me semblent pas plus larges que ceux des autres Coenagrion. Mais « cnemis » dans beaucoup de noms composés de genre doit plutôt être compris comme « faisant partie des Coenagrionidae ».
– rubricauda est dérivé de 2 mot latins, ruber pour rouge et cauda pour queue d’un animal et on comprend que Tillyard en le baptisant a voulu souligner l’extrémité rouge de son abdomen.
Le sujet ci-dessus à gauche montre des bandes antéhumérales vraiment bleues, elles sont plutôt vertes pour ses congénères que nous avons rencontrés et c’est sans doute une variation ontogénique (liée à l’âge), ce dernier individu étant certainement un peu plus vieux.
Les appendices anaux supérieurs recourbés vers l’intérieur font une nette saillie ; ils mesurent 0,2 mm !
En prenant de l’âge, ils deviennent plus ternes, mais leur transformation est moins spectaculaire que pour les femelles comme on va l’évoquer.
En effet, les femelles immatures, sont rouges, comme bien souvent (toujours ?) pour les Agriocnemis. Elles deviennent donc très sombres, ne conservant que de vagues traces rouges à l’extrémité de l’abdomen.
Les 2 femelles ci-dessous sont A. rubricauda selon toute vraisemblance ; sur le site, on trouvait également A. pygmaea, mais les photos montrent que le pronotum de ces femelles ne correspond pas avec celui de cette espèce. Je reste tout de même prudent, car mes photos ne permettent pas de reconnaître la forme en couronne du lobe postérieur du pronotum même si elles montrent les ptérostigmas tous jaunâtres.
Comme tous les Agriocnemis que j’ai rencontrés, ils vivent littéralement au-dessus de l’eau peu où très peu profonde, dans les herbes basses qui bordent les mares et marais, les ruisseaux ou les rivières. Le facteur déterminant semble être la présence d’herbes basses, 20 à 40 cm et quelques centimètres d’eau calme.
En novembre 2023 est paru un passionnant article qui met en évidence la reproduction non sexuée de cette espèce dans le sud de son aire de distribution. Les auteurs montrent qu’on ne trouve qu’une population de femelle, sans aucun mâle, dans le sud et mâles et femelles au nord où intervient une classique rerpoduction sexuée. Ce serait la 2° espèce d’odonates pour laquelle la parthénogénèse est mise en évidence, après Ischnura hastata aux Açores.
« Is Agriocnemis rubricauda Tillyard, 1913 (Coenagrionidae) another parthenogenetic species of Odonata? » Chris J. Burwell, Narelle P. Power, Damian White. November 2023- Australian Entomologist 50(3):206-220. Disponible sur Researchgate.
-1- « On some new and rare Australian Agrionidae (Odonata)« . Proceedings of the Linnean Society of New South Wales, Tillyard, (1913)
-2- The Naming of Australia’s Dragonflies, Ian Endersby & Heinrich Fliedner, Busybird Publishing 2015