J’avais déjà assez longuement rencontré Argia translata au Panama. Ce n’est pas une espèce très attrayante car les mâles bien matures apparaissent presque totalement sombres (et rendent les photos en plein soleil bien difficiles). Il persiste souvent une bande antéhumérale plus claire ainsi qu’une zone claire à la partie inférieure du thorax ou même une plus large zone blanchâtre due à la pruinosité qui apparaît chez les sujets âgés.
Les anglo-saxons l’appellent d’ailleurs Dusky dancer. Leur yeux montrent cependant un bleu / mauve peu commun parmi les libellules.
Il est donc facile à identifier et heureusement, car l’odonatofaune mexicaine compte 53 espèces d’Argia !
Il mesure 32 à 38 mm et fréquente les zones rocailleuses des rivières ou ruisseaux, souvent dans les aires ouvertes.
Photos 1 et 2 Chiapa de Corzo ( Chiapas), Rio Grijalva, 26/10/2019
Photo 3 Palenque (Chiapas), Rio Chacamax, 29/10/20019
Son aire de distribution est la plus importante de tous les Argia puisqu’on le rencontre, avec d’assez importantes variations de couleur, du Canada à l’Argentine !
IUCN Red List
Je n’ai pas aperçu de femelle seule, comme bien fréquemment, si ce n’est un sujet tout juste émergent ballotté par le vent dans les herbes à quelques mètres de la rive.
Les motifs clairs et sombres sur les trois derniers segments semblent caractéristiques, comme la fine ligne colorée qui parcoure la face dorsale de S2 à S4, qu’on retrouve sur les femelles plus âgées. Bien sûr, le pattern thoracique participe à l’identification.
Ci-dessous, on note que le mâle de ce tandem porte encore les couleurs de la jeunesse, proches comme presque toujours de celles des femelles. Il deviendra sombre en vieillissant…
Étymologie
Dans la mythologie grecque, Argia (Rambur, 1842) est le nom de plusieurs personnages féminins ; il ne faut pourtant pas chercher de lien, et il semble plutôt que Rambur ait choisi un nom de genre aussi près que possible de Agrion, dont la nervation, dit-il, est similaire : « par le ptérostigma et les deux nervules du premier espace costal, ils se rapprochent des Agrion”.
Translata (1), de translatus, participe passé du verbe transfero qui signifie transformer. Ce nom se réfère aux changements d’aspect entre le sujet immature et (très) mature. Selys (2) écrit : “♂ Très-adulte. Les dessins pâles disparus. Le thorax noir, même sur les côtés. Les parties qui étaient claires chez le jeune sont saupoudrées de bleuâtre.”
1- Heinrich Fliedner, Ian Endersby, The Scientific Names of North American Dragonflies, Busybird Publishing 2019
2- Selys-Longchamps, M. E. de 1865. Synopsis des Agrionines, 5me légion: Agrion. Bulletins de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres, et des Beaux-Arts de Belgique (2) 20 : p. 410.