Il n’y a pas d’âge pour mourir quand on est un odonate… Ce mâle Ischnura elegans qui vient tout juste de sortir de sa larve n’a même pas eu le temps de développer ses ailes ni son abdomen. Ce n’est pas cette punaise sus-aquatique qui l’a capturé, elle est simplement opportuniste, et je ne sais pas ce qui a provoqué sa chute sur l’eau de mon bassin. Toujours est-il que le Gerris s’est précipité sur sa proie et l’a bloquée avec ses pattes antérieures; si la plupart des punaises sont phytophages le Gerris est un pur carnivore doté d’un puissant rostre tubulaire qui lui permet d’injecter dans sa proie des sucs digestifs puis d’aspirer le savoureux liquide gorgé d’éléments nutritifs dissous.
C’est tout près de l’Ardèche que Christine et Pierre Juliand, remarquables connaisseurs des Odonates m’ont montré cette scène. Si j’ai reconnu un Asiliidae c’est sur le forum consacré aux diptères du site Le Monde des Insectes (LMI) qu’il a été identifié à l’espèce grâce aux épines de l’ovipositeur : Philonicus albiceps ♀.
Grâce à sa trompe, ce diptère injecte sa salive chargée d’enzymes neurotoxiques et protéolytiques pour ensuite aspirer le contenu prédigéré de sa victime.
Et quand on est une des plus petites libellules de notre région, on est appétissant pour les plus gros odonates… Ce Gomphus pulchellus a mis un tout petit peu plus de 4 minutes pour avaler cet Ischnura elegans mâle, de la tête à l’extrémité de l’abdomen, seules les ailes ont été épargnées.
Les araignées qui vivent au bord de l’eau sont naturellement celles qui capturent le plus d’odonates. Alors quand on s’appelle Épeire des Roseaux, Larinoides cornutus, on est bien placé pour piéger les I. elegans qui ne font pas attention. Le sujet va être emballé vivant et sera dégusté plus tard.
Tetragnatha extensa, la Tétragnathe étirée ainsi nommée pour son corps et ses pattes allongées, tisse souvent sa toile au-dessus de l’eau de mon bassin et les mâles tout occupés à défendre leur territoire se font parfois piéger. Ils représentent certainement des proies de grande taille pour cette araignée et sa toile, et font souvent beaucoup de dégâts à cette dernière. L’araignée mangera la proie et les fils abîmés !
Ce 27 avril 2020, il fait 19 °C avec du grand soleil et les Ischnura elegans sont déjà très nombreux autour de ce grand étang, il n’est donc pas étonnant que certains d’entre eux, encore maladroits dans leur navigation aérienne, se fassent piéger par les nombreuses toiles qui joignent les Iris des marais. Voilà donc ce qui reste de ce petit mâle, traité « façon puzzle »…