Il y a une dizaine d’années j’ai eu la surprise de m’apercevoir que les ailes de cette femelle Sympetrum striolatum était parsemée de petites épines ou spicules. J’ai alors regardé les ailes des autres espèces et toutes présentent ces structures, que ce soit des anisoptères ou des zygoptères.
Bien sûr pour ces deniers elles sont plus difficiles à mettre en évidence, en particulier pour les Calopteryx, plus petites sur une aile plus petite.
Evidemment je n’étais pas le premier à m’apercevoir de cette curiosité publiée par l’entomologiste Eugène Seguy en 1959 à propos de Cordulia aenea.
Une étude très détaillée de la disposition, de la taille, de la densité et de la répartition de ces épines cuticulaires sur les Zygoptères puis sur les Anisoptères a été menée par M. D’Andrea & S. Carfi et publiée dans Odonatologica en décembre 1988 et juin 1989.
Ils ont décrit 2 types d’épines, des courtes et des longues et montré pour les zygoptères qu’elles étaient disposées sur les 2 faces de l’aile mais de façon différenciée et selon un pattern bien précis:
Les épines courtes se répartissent sur les veines figurées en noir, les longues sur celles en blanc et il est très intéressant de constater à la fois cette alternance épines longues/ épines courtes le long des veines longitudinales et le fait que les veines transverses ne portent d’épines longues que sur leur face inférieure.
Malheureusement l’état actuel de mon matériel photographique (toutes mes photos sont faites sur du »vivant ») ne me permet pas de visualiser de façon objective cette différence de taille ou de répartition. On parle ici de structures très petites car selon ces auteurs les épines courtes de zygoptères mesurent entre 8 et 18 µm (0.008 mm à 0.018 mm), les épines longues entre 20 et 70 µm (0.02 mm et 0.07 mm).
Pour Aeschna cyanea la longueur varie entre 33 et 82 µm, pour Crocothemis erythraea entre 25 et 90 µm; pour Aeshna affinis entre 30 et 66 µm.
Le point noir est que cette étude extrêmement minutieuse ne montre pas l’utilité ou le rôle de ces épines…
Certaines épines longues sont situées tout près, presque au contact des carrefours veineux, union des veines longitudinales et des veines transverses et seraient nettement orientées; on sait que ces carrefours constituent des points de flexion ou de torsion de l’aile et sont d’ailleurs pourvu de resiline, une protéine élastique capable d’emmagasiner de l’énergie. Ces épines auraient pour fonction, par leur inclinaison, de limiter la flexion ou la torsion au niveau de cette articulation, en bloquant le mouvement de la veine dont elles sont proches lorsqu’une certaine amplitude est atteinte. Ce rôle est avancé dans Resilin in Dragonfly and Damselfly Wings and Its Implications for Wing Flexibility, Seth Donoughe, James D. Crall, Rachel A. Merz, and Stacey A. Combes, Journal of Morphology, 000:000–000 (2011).
Je n’ai trouvé aucune explication pour le reste des épines, si ce n’est qu’on suppose qu’elles ont un rôle aérodynamique et si un lecteur à connaissance de travaux récents sur ce sujet je serai heureux d’en prendre connaissance.
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